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France – Comédie dramatique (01h52min) – Date de sortie : 29/08/2012
Avec : Kad Merad, Cécile de France, Louis-Do de Lencquesaing
Résumé : Un anonyme devient soudain célèbre, sans savoir pourquoi.
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SUPERSTAR – L’être inconnu
Xavier Giannoli est un réalisateur qui demande à être reconnu. Il est pourtant connu de quelques cinéphiles certes, surtout grâce à son chef d’oeuvre A l’origine, deuxième grand film français de l’année 2009 avec Un prophète de Jacques Audiard. Avec ce film aboutit porté par un François Cluzet juste, convaincant et réellement habité par son rôle, le réalisateur parvenait à décrire un monde et un homme en crise avec réalisme, humilité et intelligence, dont le final poignant n’est pas sans évoquer les oeuvres humanistes d’Akira Kurosawa. Sa réflexion, ses thématiques sur l’être humain et la société sont aussi au coeur de Superstar.
X cet inconnu ! Voilà le sujet initial, ambitieux et prometteur de Superstar. Dès les premières images, nous suivons avec fascination et horreur Martin Kasinski, personne anonyme devenu soudainement célèbre pour une raison qui lui est inconnue. Tout le plaisir, dans cette première partie du film, est l’habileté de Giannoli pour évoquer cet X, cette force obscure qui s’est emparé d’une personne ordinaire pour soudainement en faire quelqu’un d’extraordinaire. Mais ‘Pourquoi’ s’interroge sans arrêt Martin ! Il ne le sait pas et le spectateur encore moins. Le mystère est particulièrement bien traité et ce mystère fini autant par hanté Martin que le spectateur.
Seulement voilà ! Alors que le malaise nous gagnait face à ce facteur X qui rongeait physiquement et mentalement notre héros, voilà que Martin subit le revers de la médaille. Devenu une idole en très peu de temps, le voilà aussi rapidement transformé en bête noire. Une scène dans un supermarché vient effectuer un virage narratif important (une dame lui crache dessus, lui vouant une haine profonde …) et anéanti définitivement le trouble, la tension qui était entretenue jusque là ! En quelques scènes (dont celle du psychologue sur le plateau de télévision et du cri de Martin qui s’ensuit), la mise en scène qui procurait jusque là un vertige, un étouffement et un suspense digne d’un Hitchcock, Giannoli recentre le récit sur son héros et ses états d’âmes, détruisant au passage tout l’intérêt qu’on avait jusqu’ici pour son film.
Ce n’est plus cet X désormais le sujet du récit mais la descente au enfer du personnage et une soit disant étude sur le comportement humain qui, et d’un, n’invite jamais à la réflexion, et de deux, ne nous apprend pas grand chose sur le sujet. Le comportement impulsif des fans ne sert qu’à augmenter l’empathie que le spectateur éprouve pour Martin, soulignant ainsi sa détresse et sa déshumanisation. Le spectateur s’identifiait jusque là au protagoniste et dans cette deuxième partie, on ne sait plus sur quel pied danser.
Voudrait-on nous faire croire que seuls les fans et leur téléphone portable multi-fonction sont responsables de la déchéance de Martin ? Que la technologie et les médias transforment les gens en monstres débiles et irresponsables (en témoigne cette séquence ou des dizaines d’internautes imitent le cri de Martin !) l ? Que les dirigeants de ses entreprises médiatiques ne sont là que pour exploiter la misère humaine (en même temps, qui aujourd’hui ne le sait pas …) ?
Ces sujets mériteraient surement d’être développé dans un autre film, mais pas dans celui-ci car il s’éloigne des enjeux initiaux et de sa thématique principal. Le film perd alors de son charme, de sa force et de son intérêt puis s’ensuivent des dialogues archétypaux, des situations assez convenues et mal écrites (ceci dit, la lourdeur était déjà présente dans quelques répliques dès le début du métrage et dans le jeu de Kad Merad, mais on la tolérait car on se laissait emporter par les angoisses du héros) qui desservent le sujet développé dans la première partie du film.
Des points d’interrogations viennent jusqu’à polluer le décor pour bien appuyer le désarroi de Martin et une relation intime entre lui et Fleur viennent parasiter le récit … pourquoi ? Cécile de France est d’ailleurs le seul point positif du métrage. Son jeu sobre et délicat est la seule chose à retenir sur cette deuxième partie et nous permet de ne pas décrocher totalement du film.
Xavier Giannoli disposait de toutes les pièces pour faire un thriller existentiel, proposer une vision singulière sur ces forces qui nous échappent, que nous ne contrôlons pas, mais nous transforme malgré tout et nous incite à faire des choix ou encore prendre des risques. Malheureusement, le cinéaste délaisse sa thématique principale pour finir sur une histoire d’amour et une critique pas du tout finaude sur les médias et leur mécanisme dont on se moque éperdument. Dommage car avec cette résolution banale, il ne s’affirme pas comme un grand réalisateur à la filmographie parfaite … alors, oui, ce n’est pas bien grave, mais il aurait tellement pu mieux faire !
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
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