L’AUTRE (The other) de Robert Mulligan
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Origine : U.S.A. [1972] – Genre : Drame, horreur, mystère – Durée : 01h38
Avec : Chris & Martin Udvarnoky, Uta Hagen, Diana Muldaur, Victor French
Résumé : L’histoire se passe en 1935. Dans une ferme du Connecticut, des jumeaux, Niles et Holland Perry, coulent des jours heureux, élevés par leur grand-mère Ada. Celle-ci leur a enseigné ce qu’elle appelle « le jeu ». Une série d’accidents surviennent, et Niles commence à soupçonner Holland d’en être responsable.
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Attention : Spoiler !
AVIS : Découvert pour la première fois il y a environ quatre ans, The other m’avait vraiment impressionné et sa re-vision fut une expérience encore plus traumatisante. Robert Mulligan, passé à la postérité avec Du silence et des ombres (To kill a mockingbird, 1962) avec Gregory Peck incarnant le personnage fictif préféré des américains (1), est un cinéaste beaucoup trop méconnu dans notre pays et est réputé dans le sien pour aborder les thématiques de l’enfance et l’adolescence avec un regard novateur, un style visuel classique et épuré et une dimension sensible et psychologique. Avec ce film, il propose un portrait fabuleux, fascinant et profondément angoissant de la schyzophrénie comme on l’a rarement vu au cinéma !
Dès le premier plan, tout est dit et le cinéaste est d’une intelligence redoutable pour nous emmener subtilement dans le monde imaginaire de Niles ! Avec ce travelling latéral très pur et très élégant sur les branchages des arbres et accompagné par une très belle partition folklorique et lyrique du génial Jerry Goldsmith, on promène notre regard sur une nature idyllique jusqu’à ce qu’on aperçoive au fond du champs visuel un jeune garçon qui baigne dans une lumière irradiante et surnaturelle. La caméra procède à un zoom jusqu’à ce que ce dernier occupe tout le champs visuel. Puis s’enchaîne un gros plan sur son visage et un contre champs qui nous place définitivement du coté du garçon.
Dès lors, nous vivrons l’histoire à travers son point de vue sans que la mise en scène use d’artifice particulier ou d’effet ostentatoire pour suggérer toute l’horreur que vit le garçon : tout se passe dans les cuts et les ellipses et Mulligan parvient à faire vivre un fantastique intimiste très psychologisant tout en créant un parfum de magie assez mystérieux et religieux avec la grand mère de Niles qui lui a apprit à ‘jouer avec son esprit’. La véritable horreur est donc toujours hors champs (j’ai beaucoup pensé à Jacques Tourneur dans le pouvoir du montage et de la force subjective de certaines séquences) et elle se répercute à chaque fois avec violence dans la tête du spectateur, laissant son imagination faire tout le travail, ce qui décuple à la fois l’émotion et les forces inconscientes et diaboliques à l’oeuvre derrière l’aspect bucolique de ce petit village américain loin de la civilisation.
J’ai vraiment trouvé The other à la fois super moderne dans son traitement et hyper classique dans sa forme. Il est vraiment porté par sa mise en scène et le cinéaste multiplie les jeux de correspondance avec les boîtes, et crée un univers symbolique ou les couleurs et les objets participent à la compréhension et l’imaginaire du récit. En bref, un film unique, intemporel et vraiment déstabilisant qui mériterait d’être redécouvert tant il brille par sa singularité, son sens de l’épure et son approche à la fois pertinente et poétique de la maladie mentale.
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
(1) L’American Film Institute (AFI) a décerné la première place au personnage Atticus Finch comme étant le plus grand héros de tout les temps dans l’histoire du cinéma : voir article wikipedia
BANDE ANNONCE :