/ 7
Origine : U.S.A. – Genre : Drame, thriller (01h40min) – Date de sortie : 01/05/2013
Avec : Mia Wasikowska, Matthew Goode, Nicole Kidman
Résumé : Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, voit un oncle dont elle ignorait l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère. Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner l’homme d’avoir d’autres motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance aussi.
_____________________________________________________________________________
STOKER – L’ombre d’un double
Park Chan Wook transcende avec beaucoup d’ingéniosité le script beaucoup trop classique de ce Stoker. Il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent du coté du scénario et les personnages, à défaut d’être captivant, sont tout juste assez convaincants pour faire passer la pilule : Mia Wasikowska et Matthew Goode sont surtout mis en valeur par la caméra magnétique de Park, leur jeu étant je trouve très limité car rarement inquiété par leur comportement respectif.
Tout l’intérêt repose donc sur la mise en scène ultra précise de Park Chan Wook. La composition des plans, à la fois expressionniste et flamboyante, créant au passage une ambiance intimiste et étouffante, reflètent à merveille l’état d’esprit d’India et l’oncle Charles, des êtres mi-anges mi-démons dont la relation aussi ambiguë qu’attractive (la magnifique scène du piano à quatre mains) évolue vers un crescendo des plus glaçants. Park utilise astucieusement la focale dans de nombreuses scènes pour les unir par un lien intangible et affectif au sein d’un même plan, focale se centrant tantôt sur India, tantôt sur Charles, insistant sur le fait que l’un observe toujours l’autre et vice versa.
C’est vraiment appréciable de retrouver la patte du cinéaste a travers ce montage axé sur les correspondances : le mouvement des lampes de la cave qui répondent aux balancements du métronome, l’utilisation récurrentes des boites – comme dans Oldboy – et d’objets divers (sécateurs, ceintures, chaussures ou crayons) qui ont leur importance dans le récit. Mais surtout, j’affectionne ses thématiques et obsessions sur nos pulsions les plus profondes qui gouvernent et influencent nos comportements. J’ai toujours été impressionné par la faculté de Park d’exploiter les pulsions humaines les plus noires sans tomber dans le grotesque et l’absurde, tout en flirtant avec leurs limites. Seul Old Boy est parsemé de quelques excès qui ne nuisent, pour ma part, aucunement au récit.
Dans Stoker, la caméra de Park enferme ses personnages dans des cadrages anxiogènes qui les destinent toujours à exploser à un moment ou à un autre, la violence se faisant tout de même plus discrète que dans ses autres oeuvres coréennes. Mais cette radicalité dans la forme et le propos fait plaisir à voir à l’écran car j’avais peur de ne pas retrouver cette imagerie baroque et charnelle si chère au cinéaste dans cette production américaine. Stoker épouse d’ailleurs parfaitement la filmographie du cinéaste ; les pulsions sexuelles et de morts sont toujours présentent dans ses films et l’action du récit tourne encore une fois autour de la famille.
De plus, on retrouve de nombreuses idées au niveau du montage et des ellipses, car le cinéaste privilégie toujours une harmonie du mouvement, des formes et des couleurs, laissant le narratif et le psychologique de coté … mais vu qu’il n’y a rien d’original dans l’histoire, Park se contente de faire ce pour quoi on l’a embauché, à savoir, mettre toute sa personnalité dans le visuel et le sonore (magnifique bande originale soit dit en passant) afin de faire oublier la faiblesse du scénario.
Bref, si son passage aux Etats-Unis pouvait m’effrayer, je suis plutôt satisfait de ce Stoker qui, à défaut d’être un grand film, a le mérite d’être une oeuvre intègre et cohérente, à la hauteur du talent du cinéaste coréen.
____________________________________________________________________________
Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
BANDE ANNONCE :