Avec : Catalina Sandino Moreno, Naya Rivera, Ashley Rikards
Résumé : Leigh, jeune et ambitieuse agente immobilière, est chargée de vendre la maison d’un couple mystérieux. Alors qu’elle travaille dur pour trouver des acheteurs, elle rencontre la fille des propriétaires, une jeune femme perturbée. Lorsque Leigh essaie de l’aider, elle se trouve piégée par une force surnaturelle aux intentions bien sombres …
AVIS: J’ai regardé ce film d’horreur sans rien lire du résumé, sans n’avoir lu aucune critique, et je dois avouer avoir été réellement bluffé par ce petit film de genre dont je n’attendais absolument rien. Encore une fois, c’est du côté de la DTV (Direct To Video) qu’il faut se tourner pour assouvir pleinement nos besoins cinéphiliques sur des péloches qui ne connaîtront jamais de sortie ciné. Ce film d’horreur, sortit en DVD le 25 février dernier, aurait amplement mérité d’être découvert sur grand écran tant il brille pour son traitement à la fois minimaliste et énigmatique. Enfin du recyclage de qualité autour de la maison hantée (mais pas que !), avec un monstre qui sort de l’ordinaire, porté par un récit ou plane un mystère oppressant qui nous tient en haleine du début à la fin.
Il y a beau y avoir quelques clichés et clins d’oeil dans par exemple les séquences de la maison hantée avec ses scènes qui durent des plombes, ainsi que cette triste brune à l’imperméable rouge très Roegien dans sa référence (Ne vous retournez pas ! – 1973), sans parler de quelques comportements malheureusement pas tout le temps réalistes, la mise en scène adopte en contrepartie une liberté de ton vraiment surprenante et diffuse des atmosphères inquiétantes à souhait qui forcent le respect : mes rétines étaient accrochées du début à la fin à mon écran sans le lâcher une seule seconde. Il n’y a pas à redire, le réalisateur est vraiment doué et malgré quelques scare-jump très académiques, il joue beaucoup avec le flou et la profondeur de champ pour distiller une horreur vraiment subtil comme on a peu l’habitude d’en voir !
Et puis le scénario est vraiment audacieux dans sa composition et ses partis pris. La mécanique du récit est loin d’être conventionnelle et sort franchement des sentiers battus, s’autorisant une approche osée l’éloignant de toute standardisation. Cette prouesse est vraiment à souligner : NicholasMcCarthy emboîte sans arrêt les points de vue des personnages féminins – qui sont le verni opaque nous dissimulant l’horreur qui règne dans le hors champs narratif ET visuel – sans perdre le spectateur et sans jamais lâcher son histoire et son concept.
La bande-son est elle aussi vraiment original : il n’y a quasiment pas du musique, l’attraction du film fonctionnant sur ses cadrages millimétrés, une photographie terne et glauque à souhait (surtout pour les intérieurs de la maison hantée en fait!), le tout ornementés par quelques sonorités dissonantes et lancinantes discrètes qui happent nos sens et attisent notre attention. Son approche de l’horreur, de l’étrange et de l’épouvante très singulière m’a complètement séduit. De plus, les actrices ont beau interpréter des personnages ordinaires, elles sont bien dirigées et ne cabotinent jamais : tout est en parfaite harmonie.
Et puis toutes les gesticulations des possédées – vraiment bien chorégraphiées et plutôt sobre dans la démarche – sans qu’il n’y ait de cut épileptique dans le montage fonctionnent à la perfection car le cinéaste n’est jamais dans l’esbroufe, et ça c’est agréable comme choix artistique. Excluant intelligemment l’explicatif, McCarthy a une entière confiance en lui et parvient à imposer son style avec une maturité impressionnante pour un deuxième film.
J’aimerais en dire davantage, notamment sur la mythologie et la particularité de la bête (dont on ne sait très peu de chose il est vrai, mais ça la rend encore plus fascinante à mes yeux), mais j’aurais trop peur de spoiler et briser le charme du film car moins on en sait, plus on appréciera cette pépite de genre délicieusement flippante qui se vit intimement autant qu’elle se regarde !
Avec : Chris Sarandon, William Ragsdale, Amanda Bearse, Roddy McDowall
Résumé : Charlie Brewster est un adolescent sans histoires. Il partage sa vie entre sa mère, sa petite amie, ses copains et ses séries préférées à la télévision sur les films d’horreur de série B. Tout va être bouleversé lorsqu’il va découvrir que son nouveau et séduisant voisin est un vampire de la race difficile à combattre …
AVIS : Il y avait de ces films, parmi les classiques américains des années 80 que je n’avais toujours pas vu, ce sympathique et réjouissant Vampire, vous avez dit vampire ?, Fright Night pour les puristes, qui ne demandait qu’à être découvert : il suffisait juste d’attendre le bon moment ! Une fois le générique tombé, je dois bien avouer avoir trouvé l’intrigue pas très captivante et j’ai un peu tiqué sur certains comportements des personnages.
Dans la première partie, la dynamique forcée autour du jeu de séduction entre Charley et Amy, nos deux sympathiques héros adolescents, ne m’a pas tellement convaincu et en règle général, j’étais plutôt distant avec l’histoire et ses personnages pas assez travaillés à mon goût en terme de caractérisation. Mais le casting est excellent, il n’y a rien à redire la dessus, et le seul pour lequel je reste mitigé est le vampire lui même : le romantisme cheap et viril de Dandrige (Chris Sarandon) m’a fait sourire à quelques reprises, notamment la scène dans la boîte de nuit qui frise presque le grotesque mais l’évite d’un poil grâce à la mise en scène impeccable de Tom Holland (Jeux d’enfant) et des éclairages soignés à l’extrême.
Car s’il y a bien un aspect qui est inattaquable en terme d’argument, c’est bien la facture visuelle du film. Ce très beau plan séquence du début met tout de suite dans l’ambiance : les cadrages millimétrés comme la photographie sont un travail d’orfèvre et installent un charme horrifique de tous les diables sur quasiment toutes les séquences. J’ai été tout autant sidéré par la direction artistique : l’architecture et les décors intérieurs de la maison de Dandrige ont vraiment de la gueule.
Deux aspects m’ont séduit plus que tout le reste. Premièrement, les ambiances à la Carpenter avec ces lumières semi-irradiantes hors champs éclairant l’inquiétante maison du vampire ainsi que les ruelles de la ville, saupoudrées avec parcimonie de vapeurs spectrales par ci par là qui font toujours leur petit effet en terme d’immersion et de tension. Si la tenue visuelle n’a cependant rien à voir avec celle de Big John, Tom Holland, dont c’est pourtant le premier film, a un sens aigu du cadre et multiplie souvent les points de vue (aaah, les vues subjectives du vampire qui nous met dans la peau du prédateur !!) pour donner du corps et de la sensualité à son film : premier coup d’essai, premier coup de maître !
Deuxièmement, les effets spéciaux 100 % artisanaux. Moi qui supporte de moins en moins les images de synthèses, j’ai été estomaqué par leur qualité et je ne suis pas près d’oublier la transformation de Evil Ed qui retrouve son corps d’humain après avoir subit une terrible perforation ventrale sous la forme d’un loup. Sensations fortes garanties, j’en ai frémi de bonheur ! Pareillement pour le final au sous-sol de Dandrige avec l’énorme bouche dentée de Amy sous sa forme vampirique, quand elle tente d’attaquer Charley. Fright night est d’une incroyable générosité autant dans son iconographie que dans l’empathie qu’elle déploie pour ses personnages, dans le fond, très attachants à défaut d’être bien écrit.
Le personnage de Peter Vincent, le vieux présentateur de télévision qui anime une émission horrifique joué par l’excellent Roddy McDowall, est un clin d’oeil évident aux films de la Hammer dont le film emprunte d’ailleurs beaucoup son esthétisme sophistiqué et pictural. Pour preuve, son nom et son prénom rend un hommage aux acteur ‘Peter’ Cushing et ‘Vincent’ Price, tous deux reconnus pour s’être illustrés dans des productions de films d’horreur de la célèbre firme anglaise dans les années 50 et 60.
Bref, Fright Night est une très belle relecture du mythe du vampire typique des années 80 qui a très bien vieilli (et je regrette presque de ne pas l’avoir découvert plus jeune !), époque bénie et décennie très riche en production populaire alliant exigence formelle, travail minutieux sur les effets spéciaux, mythologie horrifique et mélange de ton ou l’on passe de l’humour à l’épouvante, et de la romance à l’horreur pur d’une manière très décomplexée et naturelle : j’affectionne particulièrement ces films qui tentent ce genre d’exercice sans perdre le fil de l’histoire.
Si à la même époque je préfère, en soi, les productions et réalisations de Joe Dante, Zemeckis ou Spielberg (Fright Night en exploite d’ailleurs le sillon dans cette volonté de moderniser le cinéma de genre dans ce décor d’une petite ville américaine), je ne suis pas du tout déçu de cette séance de rattrapage !
Origine : U.S.A. [1971] – Genre : Horreur, thriller, drame – Durée : 01h44 – Titre original : THE MEPHISTO WALTZ
Avec : Alan Alda, Jacqueline Bisset, Barbara Parkins, Curd Jurgens
Résumé : Ely, un célèbre pianiste, initie un journaliste musical, Myles Clarkson, à certaines pratiques de sorcellerie. À la mort d’Ely, l’esprit de ce dernier s’empare du corps du journaliste, qui devient du jour au lendemain, un pianiste génial. Paula, son épouse, constate des changements chez son mari et découvre qu’il a passé un pacte avec le Diable.
AVIS : Un oeuvre extrêmement curieuse et fascinante où le naturalisme côtoie le surnaturel, porté par une caméra mobile et envoûtante et par des plans graphiques qui n’est pas sans évoquer par moment furtif le style de Mario Bava. Plusieurs motifs récurrents viennent composer l’imaginaire et la mythologie du film : portraits, statuettes, masques et présence d’animaux (surtout le ‘chien’ en fait), couleur chatoyante et lumière vaporeuse, rites magiques et sataniques, musique hypnotique, dissonante et organique de Jerry Goldsmith (Gremlins, Star Trek, Rambo, Basic Instinct, etc) qui accentue le coté spectral et inquiétant du métrage.
Bercé par des atmosphères oniriques et gothiques, on trouve également des scènes étranges et surréalistes, notamment celle du bal ou tous les invités portent des masques d’animaux : filmé en grand angle, ce spectacle fantasque donne une dimension vraiment cauchemardesque à la scène : le chien flanqué d’une tête humaine restera à n’en point douté dans les mémoires du spectateur. Il serait vain d’énumérer les nombreuses qualités de ce métrage qui vaut vraiment le détour pour sa richesse visuelle et cinématographique !
Sans effet de mise en scène lourde et tapageuse, pourtant toujours à la limite du clinquant et du tape à l’oeil, le cinéaste laisse toujours la place à la force du script qui mise autant sur la psychologie des protagonistes que sur une contamination lente et sûre du fantastique sur le réel. Paul Wendkos, formé principalement à la télévision, se contente juste de parsemé ses effets de style dans les scènes charnières du film en semant toujours le doute sur la véracité des événements, du moins vu à travers le regard de l’héroïne Paula/Jacqueline Bisset, car le spectateur n’est quant à lui jamais dupe.
L’ambiance raffinée et sophistiquée des plans invoquent une ambiance expressionniste qu’on peut retrouver dans les meilleures productions de la Hammer, ainsi que celles de Roger Corman, tout en s’éloignant de ces ‘écoles’ par le style résolument moderne de la réalisation. La direction artistique fouillée et les éclairages baroques subliment d’ailleurs les nombreuses séquences en intérieur, surtout la somptueuse et grande demeure de Duncan Ely, le lugubre et funeste propriétaire.
La caractérisation des personnages et les dialogues bien rythmés, qui ne sont pas dénués d’humour dans la première partie, renforcent le coté ‘réaliste’ du film dans la mesure ou le genre, en soit, semble toujours être au second plan. De plus, les acteurs (magnifique casting, il faut le souligner tant il participe à la réussite du film) semblent toujours habités par leur personnage et Jacqueline Bisset offre une prestation vraiment éloquente quand son quotidien se transforme en cauchemar via les chamboulements dus à la mort de sa fille et à l’étrange transformation de son mari qui devient un véritable virtuose au piano. Son évolution dans le récit n’est d’ailleurs pas sans évoquer celui de Mia Farrow dans Rosemary’s baby de Roman Polanski, dont l’influence est évidente puisque ce The mephisto waltz en emprunte le sentier et la mécanique sans jamais singer le chef d’oeuvre original.
En bref, le suspense et le mystère qui entoure les tragiques événements tiennent en haleine jusqu’à la résolution finale et l’étonnante modernité et intemporalité de cette oeuvre méconnue vraiment atypique séduira, à mon humble avis, tout les aficionados du genre.
Résumé : Paul Marsh est hanté depuis toujours par des cauchemars où il plonge dans les profondeurs de l’océan. Il va à la rencontre d’un puits abyssal dont l’entrée est un œil ouvragé en or et où il rencontre une jeune femme à laquelle il semble lié. La jeune femme nage sans masque et ressemble à une magnifique sirène pour Paul jusqu’au moment où elle tente de l’embrasser. Puis il se réveille aux côtés de sa compagne Barbara sur le bateau d’un couple ami (Howard et Vicki), avec qui ils naviquent le long des côtes espagnoles.
Bien que troublé par ces rêves, il n’y prête plus guère attention alors que le bateau mouille au large d’Imboca, petit village de Galice. Un chant mystique s’élève soudain du village. S’ensuit une tempête qui se forme immédiatement, précipitant le voilier sur les récifs. Vicki, alors réfugiée dans la cabine, est blessée dans l’accident. Howard reste avec sa femme tandis que Paul et Barbara accostent au village pour y chercher de l’aide. Le village étant désert, ils se dirigent vers la source du chant, l’église.
AVIS: Stuart Gordon, un immense réalisateur de genre n’ayant pas du tout la réputation qu’il mérite, n’en est pas, au moment de la mise en chantier de Dagon, à son premier coup de maître !
En 1985, il va déjà puiser dans la mythologie de H.P. Lovecraft pour réaliser Re-animator, librement adapté de Herbert West, réanimateur une nouvelle de l’auteur écrit dans les année 20. Ce premier film, mélange sympathique et ingénieux de gore, de tension dramatique, de suspense, d’humour et de fantastique le fait entrer directement dans la catégorie des cinéastes cultes. En effet, Re-animator obtiendra un succès immédiat et fera sensation dans de nombreux festivals. Spécialiste du gore donc, le cinéaste délaisse un peu ce qui a fait sa renommé pour Dagon, même si l’on retrouvera non sans déplaisir de parfaites petites séquences bien éprouvantes.
Stuart Gordon est aussi un brillant adaptateur car il ne se contente pas de suivre à la lettre les récits de H.P. Lovecraft. Il essaye toujours d’exploiter ce qu’il y a de plus cinématographique dans l’oeuvre de l’auteur ; le scénario et la mythologie sont traités avec la même exigence. Dans chacune de ces adaptations – sa quatrième pour Dagon, le cinéaste reste très fidèle au maître de l’horreur et respecte scrupuleusement toute sa cosmogonie fantasmatique et horrifique. Ainsi, le script de Dagon n’est pas l’adaptation d’une mais de deux nouvelles, à savoir, Le cauchemar d’Innsmouth et … Dagon, bien évidemment, écrite en 1931 pour la première et en 1917 pour la seconde. Toutes deux érigent et façonnent le Myhte de Chtulhu, univers dont le panthéon fait références aux « Grands Anciens », divinités très anciennes et puissantes venues de l’espace.
Avec une économie de moyen assez hallucinante, Gordon impressionne par sa créativité et son sens de la débrouille qu’il a aiguisé au fil des ans. Car le charme de Dagon fonctionne surtout parce qu’il possède cet esprit bis par excellence et qu’esthétiquement, il est formellement bien plus créatif et intéressant que de nombreuses et plus grosses productions du même genre. Les effets spéciaux sont de loin la plus grande qualité du film. L’imagerie toute lovecraftienne de Dagon fonctionne du feu de dieu grâce aux masques et prothèses en tout genre d’une incroyable variété et de très grandes qualités. Un réel travail d’orfèvre qui est toujours bien mis en valeur, et à part quelques effets digitaux moyennement convainquant, on tremblera du début à la fin devant cette parade de monstres aussi repoussant les uns que les autres.
Gordon a depuis très longtemps comprit ce qu’était l’essence du cinéma fantastique. Car le récit de Dagon s’inscrit dans la grande tradition du genre fantastique plutôt que du film d’horreur pur. En effet, toute la narration s’articule sur un certain naturalisme, privilégiant surtout le réalisme, décrivant avec modération le comportement et les réactions des personnages et utilise à bon escient les codes du film d’horreur. Nous découvrons Imboca à travers les yeux de Paul Marsh, le protagoniste, et Stuart Gordon nous fait plonger littéralement dans ce village maritime le plus naturellement du monde avec très peu d’effet de mise en scène.
La grande force de Dagon repose sur ce partis pris d’une étonnante efficacité. Les cadrages anxiogènes alternant les plans inquiétants des décors de la ville et les plans serrés sur les visages, le montage dynamique sans temps mort qui ne troublent ni les ambiances glauques à souhait ni les jeux sans fausses notes des acteurs et la photographie à la fois lugubre et sordide signé David Martì (qui a gagné un prix pour son travail sur Dagon), hissent le film parmi les plus belles oeuvres du cinéma fantastique contemporain … et du cinéma tout court. De plus, l’absence de score – nous n’entendront quasiment aucune musique de fond pour appuyé les ambiances et le suspense – favorise remarquablement l’immersion et parvient presque à nous faire oublier qu’on regarde un film …
Le récit s’éloigne vraiment des sentiers battus et nous ne savons jamais à l’avance ce qu’il va se passer. Tout s’organise autour du principe fondamental du récit fantastique, à savoir le glissement progressif de l’ordinaire à l’extraordinaire. Comme l’explique Todorov dans son ouvrage Introduction à la littérature fantastique, le genre ‘fantastique’ se caractérise par un basculement du rationnel vers l’irrationnel. Dans Dagon, c’est cette démarche qui domine toute la première partie. Le goût du mystère est donc parfaitement bien entretenu et les rebondissements inattendus et les surprises incongrues rythment subtilement le récit. Comme Paul le personnage principal, le spectateur découvre en même temps que lui toute l’horreur qui groupille sous les façades de ce village maritime.
Parti à la recherche de Barbara, sa compagne, dans l’hôtel et les dédales insalubres d’Imboca, Paul sera confronté à une horrible réalité qui le dépasse et chaque nouvelle scène offre son lot d’étrangeté, de bizarrerie, d’effroi et de violence. Lorsque la véritable histoire de la ville nous sera enfin narré en flashback par Ezequiel, un vieil homme alcoolique (joué par Fransisco Rabal, un immense acteur espagnol prolifique qui mourra quelques temps après le tournage) – par un effet particulièrement bluffant et justifié de morphing – Paul bataillera de toute son âme pour sauver sa belle, prisonnière des griffes des monstres mi-hommes mi-poissons.
L’acteur Ezra Godden est tout simplement parfait dans ce rôle de nerd binoclard qui se transformera rapidement en homme d’action pour survivre au milieu de toutes ses créatures de l’enfer. Le parcours héroïque de Paul est d’ailleurs très intéressant à suivre. Présenté comme un scientifique pas très ouvert au monde extérieur et aux pulsions sexuels (en témoigne la première scène ou Barbara lui propose gentiment une petite gâterie), l’exploration d’Imboca le transformera profondément, physiquement et moralement, car sa survie va dépendre de son adaptation.
Au début, l’aventure ne le tente pas et c’est bien pour sauver Barbara qu’il passera par des étapes importantes. Paul puisera toute son énergie et sa vitalité dans ses pulsions, sa nature animale, délaissant totalement la raison et la morale qui n’a ici plus lieu d’être. Le rationnel et les valeurs humaines s’effondrent dès son entrée dans Imboca, la ville étant sous l’emprise du dieu Dagon, une créature des profondeurs qui contrôle les habitants depuis le fond des mers. Mais à travers ses péripéties, Paul découvrira une réalité bien plus énorme et importante qui le concerne directement et l’éloignera petit à petit de ses motivations initiales …
Construit autour du récit initiatique, dont Dagon emprunte aussi toute la mécanique, Paul devra accepter sans sourciller sa destiné. L’ouverture du film, avec ce rêve étrange et symbolique ou Paul nage paisiblement dans les eaux sous-marines au coté d’une magnifique sirène au visage lunaire qui le hantera pendant toute son aventure, n’est finalement qu’une nouvelle naissance pour le héros. Son réveil soudain, suivit du chant mystique et annonciateur de la sirène qui l’appelle depuis les berges, annonce alors l’odyssée cauchemardesque à venir ou lui sera révélé, au final, sa nature profonde.
Dagon déconcerte, ensorcelle et fascine par son jusqu’auboutisme, sa liberté de ton, sa poésie de l’étrange, son érotisme brut, sa noirceur envoûtante et sa folie douce ou le retour au ‘monde réel’ est impossible …
France – Comédie, drame, fantastique – Date de sortie : 04/06/2014 – Durée : 2h07
Avec : Anaïs Demoustier, Josh Charles, Roschdy Zem
Résumé : En transit dans un hôtel international près de Roissy, un ingénieur en informatique américain, soumis à de très lourdes pressions professionnelles et affectives, décide de changer radicalement le cours de sa vie. Quelques heures plus tard, une jeune femme de chambre de l’hôtel, qui vit dans un entre-deux provisoire, voit son existence basculer à la suite d’un événement surnaturel.
AVIS : Bird People m’a fait l’effet d’une bombe …. de coton ! Non seulement le film est une incroyable bouffée d’oxygène en plus d’être une très belle expérience cinématographique, mais il s’agit sans doute d’un des plus beaux films que j’ai pu voir sur la prise de conscience et le lâcher prise. Bird People est beau, pur, fantastique (dans tout les sens du terme !) et très poétique : en gros, du cinéma comme je l’aime. Et si un jour on me demande ce que c’est la magie du cinéma, je répondrais alors « regarde donc Audrey voltiger dans la nuit de Paris sur Space Oddity de David Bowie« .
Avec une insolente simplicité, un art précis du montage et des personnages extrêmement attachants, Pascale Ferran nous donne une magnifique et authentique leçon de vie. Un grand merci à la cinéaste pour toutes ses émotions ressentis ! Je tiens assurément mon film du mois de juillet et peut être bien le film de l’année !!
U.S.A., Canada – Horreur, thriller – Date de sortie : 23/12/2014 – Titre original : The possession
Avec : Natasha Calis, Jeffrey Dean Morgan, Kyra Sedgkick
Résumé : Clyde et Stephanie Brenek ne voient pas de raison de s’inquiéter lorsque leur fille cadette Em devient étrangement obsédée par un petit coffre en bois acheté lors d’un vide grenier. Mais rapidement, son comportement devient de plus en plus agressif et le couple suspecte la présence d’une force malveillante autour d’eux. Ils découvrent alors que la boîte fut créée afin de contenir un Dibbuk, un esprit qui habite et dévore finalement son hôte humain.
AVIS : Disons le tout de suite, Possédée est un film beaucoup trop prévisible et très classique dans son récit et qui n’apportera, c’est sure, absolument rien au genre. On peut dire que les scénaristes ne se sont pas bien foulés pour pondre ce film d’horreur. On est en terrain connu et si le film est assez bien rythmé, l’histoire peine à captiver. Car la plupart des scènes sont construites sur des malentendus et qui-propos qui enveniment les relations de chacun sans que l’évolution de l’histoire nous surprennent vraiment et les séquences s’enchaînent donc de façon un peu trop mécanique.
En effet, toute la tension repose sur les éléments classiques de la famille qui se sépare : père un peu trop absent, beau père soit disant plus gentil que le vrai père, mère adorant ses enfants persuadée que c’est le père qui violente leur fille, etc etc. La jeune Em, jouée par l’actrice Natasha Calis qui offre une très belle interprétation, peut alors se faire possédée sans que personne n’y prenne vraiment gare. Après, c’est sure, on ne demande pas à tous les films d’horreurs d’être portés par un grand scénario avec une psychologie solide pour chaque personnage, mais s’il y avait eut un meilleur script et des personnages avec plus de relief et de profondeur, le cinéaste Ole Bornedal aurait pu nous offrir un spectacle bien plus crédible et vraiment flippant.
Car les peu de scènes bien écrites sont vraiment hyper convaincantes. Par exemple toute la scène de la cuisine quand la mère, en pleine nuit, découvre sa fille se goinfrant sauvagement devant le frigo avant que cette dernière ne jette à terre la vaisselle pour empêcher sa mère d’avancer vers elle, j’ai frissonné le temps de deux minutes particulièrement intenses. La première apparition des papillons dans la salle de bain et la chambre de Em ou encore cette séquence assez stylisée dans la scène finale ou la père trouve sa fille dans une morgue avec le voyant ‘Exit’ rouge sang qui sert d’unique lumière à la scène, montre indéniablement que le film aurait pu vraiment être meilleur si tous les aspects scénaristiques étaient véritablement soignés.
Autres points positifs qui suscitent des réelles émotions, le soin apporté au score accompagnant efficacement les scènes horrifiques et dramatiques sans que l’on ne décroche jamais totalement de l’intrigue et la photographie très contrastée du très doué Dan Laustsen, qui, en plus d’être le binôme du cinéaste sur nombreux de ses films (Le veilleur de nuit, Dina, The substitute), a aussi travaillé avec Guillermo del Toro sur Mimic et Christophe Gans sur deux de ses films (Le pacte des loupset Silent Hill).
Possédée, film de commande d’un cinéaste danois vraiment brillant (voir son excellent Just another love story), surprend par quelques coups d’éclats mais ils ne permettent vraiment pas à ce film de se hisser parmi les plus belles réussites du genre et c’est assez frustrant de voir une belle réalisation tentée de transcender un scénario vraiment basique ou le genre exploité ici ne m’a jamais … possédé !
Origine : Canada, Espagne – Genre : Fantastique, horreur, drame (01h40) – Date de sortie : 15/05/2013
Avec : Jessica Chastain, Nicolaj Coster-Waldau, Megan Charpentier
Résumé : Il y a cinq ans, deux sœurs, Victoria et Lily, ont mystérieusement disparu, le jour où leurs parents ont été tués. Depuis, leur oncle Lucas et sa petite amie Annabel les recherchent désespérément. Tandis que les petites filles sont retrouvées dans une cabane délabrée et partent habiter chez Lucas, Annabel tente de leur réapprendre à mener une vie normale. Mais elle est de plus en plus convaincue que les deux sœurs sont suivies par une présence maléfique…
Attention, cette chronique dévoile quelques éléments importants du film !
Un bon fantôme est un fantôme vivant !! Car le partis pris éloquent de ce Mamà n’est pas de nous faire peur à proprement parler même si on assistera à d’efficaces séquences horrifiques – ni à douter de l’existence de Mamà, car dès le début, nous savons comme les petites filles qu’elle existe bel et bien – mais de confronter deux figures maternelles que tout opposent.
Tiré de son propre court métrage du même nom qui a énormément séduit l’immense et influent Guillermo Del Toro, producteur à ses heures de petites perles fantastiques de grandes qualités (L’orphelinat, Splice, Les yeux de Julia, Don’t be afraid of the dark, etc), le cinéaste argentin a travaillé durement pour développer la mythologie et le récit de sa première création pour aboutir au format long.
Si Del Toro a apporté une aide précieuse à l’écriture du scénario afin d’en produire un long-métrage, c’est surtout pour étoffer tout le potentiel dramatique et fantastique du court. Mais au final, le seul reproche que l’on puisse faire à ce Mamà, c’est justement sa simplicité narrative très conventionnel qui rebutera peut être quelques personnes …. ce qui n’a pas du tout été mon cas car le coeur, le fond du film est fabuleux, dans tous les sens du terme !
Le cinéaste possède un talent indéniable pour édifier une mise en scène autour du huit clos et de la maison hanté, et apporte un soin méticuleux à la psychologie de ses personnages ; surtout celui d’Annabel et Victoria en fait. Malheureusement et avec le recul, on a souvent l’impression que le film se structure autour d’un schéma assez classique pour des raisons purement commerciales, et qu’il aurait peut être fallut davantage réfléchir sur une approche plus ouvertement fantastique, plus surréaliste, en tout cas moins explicative, car le déroulement très linéaire de l’histoire n’a de l’intérêt que pour ceux qui se seront attachés aux liens qui se tissent entre Annabel, Victoria, Lilly et Mamà.
On regrette également quelques petites facilités de scénario et quelques effets de scarejump qui nuisent malheureusement à l’ambiance très raffiné du film. La maladresse la plus grossière revient à ses deux personnages, le médecin et la tante, qui ne sont là que pour faire avancer l’intrigue, tant leur présence à l’écran font redescendre la tension et tout le potentiel du récit. C’est vraiment le gros point faible de Mamà. Puis, l’image souffre un peu trop de quelques dégradés ombrageux artificiels et de changements de grain pas toujours justifiés – seul le graphisme du rêve en plan séquence fonctionne à merveille (scène particulièrement terrifiante d’ailleurs !) – si ce n’est pour appuyer un climat oppressant dont on se serait bien passé tant la force du film repose sur les relations entre les ‘mères’ et les enfants.
La grosse force de ce Mamà est d’utiliser à bon escient le matériau horrifique dont le but principal n’est pas de nous faire peur. En effet, Andres Muschietti nous raconte d’abord une histoire en usant à merveille des plans fixes et plan séquences, suscitant en nous non pas le besoin de connaître à tout pris la fin mot de l’histoire, mais plutôt de nous montrer les rapports de force, les liens qui gravitent autour des parents de substitution, du fantôme et des enfants.
La trame scénaristique est au service de ce discours et il serait vain de maudire le film pour sa dramaturgie somme toute très académique. La scène la plus réussit et la plus emblématique est un simple mais ingénieux plan fixe faisant coexister, sur la gauche du cadre et en profondeur de champ la routine d’Annabel et les tâches domestiques qui lui incombe avec, sur la partie droite, la porte ouverte de la chambre ou l’on voit que Lilly joue en riant avec Mamà en hors-champ, cette dernière étant quasiment invisible aux yeux du spectateur.
Le cinéaste pense constamment à construire des séquences qui impliquent donc émotionnellement le spectateur, mais il interroge aussi ce qu’implique l’arrivée inopportun de l’enfant dans la vie des adultes. Car Mamà parle surtout de responsabilité parentale. Annabel et Mamà incarnent les deux pôles de la ‘mère’ : l’une contente, au tout début, de ne pas être enceinte pour continuer à vivre sa vie de musicienne, la peur de s’engager donc, l’autre refusant de laisser partir ses enfants dans une nouvelle maison, car Mamà, le fantôme,s’est occupée de Victoria et Lilly pendant cinq années, il n’est donc pas question de les laisser aux premiers venus !
Ce nouveau foyer, symbole générant un nouveau départ pour tous les protagonistes, sera le lieu ou se construira de nouveaux liens et ou chaque personne se révélera. Si Jeffrey, le frère jumeau du père décédé cinq ans plus tôt, est plutôt content de son nouveau rôle de père, il n’en est rien pour Annabel qui a du mal à s’imposer en tant que mère. Tour à tour fragile et pugnace, Jessica Chastain compose un personnage simple et profondément humain, un peu comme dans son précédent film Zero Dark Thirty. Sa performance toute en finesse dépourvue de tout maniérisme et très éloignée des jeux excessifs souvent fréquent dans ce type de film, gratifie son personnage d’une réelle épaisseur.
Personnage d’ailleurs le plus important à mes yeux, Annabel se révélera à elle même dans un final aussi poignant que réellement bouleversant. Elle apprendra que l’ « enfant » n’est pas un fardeau mais une découverte de soi, une étape à accepter et se surprendra elle même pour préserver jusqu’au bout sa toute nouvelle fibre maternelle.
Loin des stigmates hollywoodiens ou tout est bien qui finit bien, Mamà s’inscrit dans une tradition romantique et gothique européenne avec cette magnifique et touchante conclusion, mélange exceptionnel de pur frisson et de sentiment mélo-dramatique, très éloigné des happy-ends conventionnels et rassurants. La brillante originalité de Mamà est d’avoir su mettre intelligemment l’émotion au premier plan, exposé sur un récit très basique certes, mais si la magie opère sur les spectateurs, ils frissonneront et pleureront à chaudes larmes devant cette oeuvre authentique ou s’affronte devant nos yeux fascinés une incroyable et déchirante bataille entre l’amour, la vie et la mort ! Ni plus, ni moins !