Le veilleur de nuit (Nattevagten) de Ole Bornedal
Avec : Nikolaj Coster-Waldau, Nikolaj Coster-Waldau, Sofie Grabol
Origine : Danemark (1994) – Genre : Thriller, mystère, crime
Résumé : Alors qu’un tueur en série terrorise la ville, Martin, étudiant en droit, accepte un poste de veilleur de nuit a la morgue. Seul dans cet endroit désert ou se produisent des événements singuliers et ou rodent des personnages étranges, Martin Bells fait bientôt figure de suspect numéro un aux yeux de l’inspecteur Gray, charge de l’enquête. Pris dans un piège qui le dépasse, le jeune homme comprend qu’il lui faut démasquer le tueur pour ne pas devenir sa prochaine victime.
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AVIS : Pour une première réalisation et un premier scénario original, je dois bien avouer que le débutant Bornedal m’a vraiment bluffé, bien que son talent m’avait fait forte impression dans son singulier Just another love story découvert l’année dernière par hasard. S’il a fait ses armes dans deux TV films avant de s’atteler à Nattevagten, son premier essai pose d’emblée un ton novateur entre la comédie et le thriller autour d’une histoire aux enjeux dramatiques simples mais toujours captivants.
Le cinéaste danois maîtrise les codes du thriller avec une aisance tout simplement prodigieuse ! C’est tellement bien mené et bien rythmé, tellement bien interprétés, les idées de mise en scène pullulent à foison (le jeu autour des prénoms pour n’en citer qu’une seule) en plus de poser une ambiance glaciale et inquiétante à souhait dans la morgue ou travaille Martin, le protagoniste, qu’on se laisse emporter avec beaucoup de plaisir et de fascination sans qu’on ne détourne une seule seconde les rétines de l’écran ! Martin verra son petit monde se transformer à cause d’étranges phénomènes qui ont lieu sur son lieu de travail et ces événements en feront le principal suspect …
Mais au delà du scénario, c’est vraiment la mise en scène et les plans très bien éclairés et bien composés qui porte l’histoire ; Dan Laustsen, à la photographie, avait une belle expérience derrière lui au moment du tournage et a pu offrir tout son savoir faire au cinéaste (ils retravailleront ensemble à plusieurs reprises, notamment sur Possédée, un film d’horreur sortit en 2012). Dans les années 90/2000, ce genre de film ont eut une petite renaissance et il devient difficile aujourd’hui d’innover ou de nous surprendre après des initiateurs comme sire Alfred Hitchcock dont l’influence est encore et toujours vivace. Les cinéphiles éduqués aux thrillers ne se laisseront donc pas berner et trouveront assez facilement l’identité du véritable assassin à peu près au milieu du film et même avant pour les plus malins !
Mais le déroulement et les révélations ne sont jamais tirés par les cheveux, on ne nous égare pas dans des jeux de pistes foireux et le métrage trouve un équilibre assez juste entre le psychologique et le suspense pur. L’impuissance et la frustration sont d’ailleurs les thématiques qui occupent une place centrale dans l’intrigue, tant elles se cristallisent autour de séquences charnières (sans spoilers). Et le casting est absolument parfait. L’une des actrices à d’ailleurs remporté un prix pour son interprétation (Rikke Louise Andersson pour son rôle de Joyce) et je suis ravi de redécouvrir Kim Bodnia à ses débuts, qui joue Jens l’ami déluré et immature de Martin, car il m’avait fortement impressionné dans la série Broen (2011) découvert le mois dernier. Et c’est ni plus ni moins le très classe Nikolaj Coster-Waldau, soit le Jaime Lannister dans Game of throne qui interprète Martin, nous offrant une prestation d’une grande finesse en proposant un jeu tout en intériorité !
Lors de sa sortie, Nattevagten conquit la presse écrite européenne et les festivals : il reçu en effet plusieurs prix en 1995 (1). Ole Bornedal tentera alors l’aventure hollywoodienne pour réaliser son propre remake. Après le succès fou d’Usual suspect de Bryan Singer qui renouvela le genre du film à twist, il n’est pas étonnant que ce film intéressa précisément Harvey Weinstein, ayant le vent en poupe depuis la succès de Pulp fiction qu’il finança, pour le produire avec sa société Miramax. Et pour qu’il fonctionne un minimum au box-office et que le public américain se déplace dans les salles, une jeune génération d’acteurs se partageront l’affiche avec, en co-scénariste, le talentueux Steven Soderbergh qui, dans les années 90, étaient l’une des icônes du cinéma indépendants US avec Tarantino. Voilà qui est beaucoup plus vendeur …
C’est donc Ewan McGreggor, remarqué dans les excellents Petits meurtres entre amis (1994), Trainspotting (1996) et Les virtuoses (1996), qui reprend le rôle du ‘veilleur de nuit’ et la troublante Patricia Arquette – True Romance (1993), Ed Wood (1995), Rangoon (1995), une grande révélation à l’époque, qui interprétera sa petite amie. Je n’ai pas vu ce remake mais d’après les informations trouvées sur le net, il s’agit d’un copié/collé sans aucune surprise au niveau du scénario, mais l’ambiance du film serait un peu moins troublant et sombre que l’original. Et comme c’est surtout cette ambiance là qui donne toutes ses saveurs et son originalité à la version originale de 1994, je ne vois pour ma part pas l’intérêt de le découvrir … A bon entendeur !
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
(1) – Voir les récompenses et distinctions sur wikipédia
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