Boulevard du crépuscule (Sunset Blvd.) de Billy Wilder
Origine : U.S.A (1950) – Genre : drame – Durée : 01h50
Avec : William Holden, Gloria Swanson, Erich von Stroheim, Nancy Olson
Résumé : Norma Desmond, grande actrice du muet, vit recluse dans sa luxueuse villa de Berverly Hills en compagnie de Max von Meyerling, son majordome qui fut aussi son metteur en scène et mari. Joe Gillis, un scénariste sans le sou, pénètre par hasard dans la propriété et Norma lui propose de travailler au scénario du film qui marquera son retour à l’écran, Salomé. Joe accepte, s’installe chez elle, à la fois fasciné et effrayé par ses extravagances et son délire, et devient bientôt son amant. Quand son délire se transforme en paranoïa et qu’elle débarque au milieu des studios Paramount pour convaincre Cecil B. DeMille de tourner à nouveau avec elle, Gillis commence à prendre ses distances.
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AVIS : Un classique noir, vraiment noir ! Au delà de la notoriété du film, j’avais en tête un film qui ne faisait que critiquer le monde cinématographique mais c’est surtout un film d’une incroyable noirceur et d’un pessimisme percutant qui m’a tout simplement glacé l’échine lors du tout dernier plan ! J’ai d’ailleurs rarement vu un portrait de femme aussi effrayant que celui écrit pour ce film dans cette période dite « classique ».
La critique incisive est telle qu’ on a d’ailleurs l’impression qu’Hollywood est le Dr Frankenstein et Norma Desmond sa créature malléable et sa marionnette éphémère … et qu’il ne peut en être autrement, comme si c’était la destinée de toute star. On est carrément dans la tragédie pure, là ! Mais on nous montre surtout ce qu’il en a coûté psychologiquement (toute proportion gardée) aux acteurs et actrices qui ont dû passer du muet au parlant, ce qui a du grandement changé la donne a cette époque ou le cinéma pris un virage vers la modernité en lestant une grosse partie de ses codes et de ses processus de création via l’arrivée du parlant.
Concernant la dimension tragique du personnage de Desmond (démon ??), on voit donc une femme abîmée car rejetée par le système de production hollywoodien et l’évolution du cinéma lui même au point d’en devenir folle et isolée, faisant de sa demeure un théâtre ou elle s’imagine être encore une grande star : SPOIL le formidable Mayerlind/Erich von stroheim entretient d’ailleurs constamment l’illusion pour rassurer la/sa star, puisqu’il a contribué à sa renommée mais aussi parce qu’il l’aime ! La charge subversive est d’autant plus puissante quand on connait la carrière de Stroheim qui a lui même réalisé, pour Hollywood, de très grands films dans les années 20 et contribué à l’âge d’or du cinéma muet ! Le jeu expressif, excessif et grotesque de Gloria Swanson dans cette descente des escaliers (la dernière scène) là renvoient également à la période du muet, période dans laquelle elle reste coincée, emprisonnée et ne peut sortir. FIN DE SPOIL.
Et puis la mise en scène de Wilder la filme admirablement bien dans cette demeure ou l’on sent sa présence dans chacun de ses recoins. J’ai adoré cette scène ou Betty quitte Joe Gillis, son nouvel amant qui repousse son amour, devant la grille d’entrée et, par un mouvement vertical de la caméra, la vamp Norma Desmond est à la fois au dessus de Joe, symbolisant l’emprise qu’elle a sur lui, mais également qu’elle est emprisonnée parce que son corps entier n’apparaît qu’à travers une grille qui rappelle la prison dans laquelle elle vit. Le film parvient d’ailleurs à la fois d’être une élégance folle esthétiquement tout en restant très noir, lorgnant vers l’expressionnisme pour les scènes en intérieur dans la demeure. Une belle leçon de cinéma, rien à redire la dessus !
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
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