Origine : U.S.A., UK (2014) – Genre : Horreur, mystère – Durée : 01h31
Avec : Jared Harris, Olivia Cooke, Sam Claffin, Erin Richards
Résumé : Inspiré de faits réels, The Quiet Ones raconte l’histoire d’un professeur orthodoxe qui utilise des méthodes controversées et se sert de ses meilleurs élèves pour tenter une dangereuse expérience.
AVIS: La Hammer, prestigieux studio anglais qui connu son heure de gloire de la fin des années 50 aux début des années 80, n’arrivera décidément pas à renaître de ses cendres quand on découvre cette production complètement anodine et, surtout, très éloigné esthétiquement des oeuvres qui ont fait sa réputation. Après le trop moyen mais élégant La dame en noire (2012) de James Watkins, la boîte essaye tant bien que mal avec ces Âmes silencieuses de concurrencer la production actuelle en misant à la fois sur un scénario tiré de faits réels, mais aussi sur des partis pris de mise en scène qui abusera du found footage (1) au final pas tellement nécessaire et pertinente à l’intrigue.
L’atmosphère et le ton très réaliste misent d’abord sur ces personnages. Si les quinze premières minutes permettent de plus ou moins présenter chacun des cinq protagonistes, le glas retentira dès qu’ils franchiront les portes du manoir pour faire leurs expériences paranormales sur cette pauvre Jane Harper (Olivia Cooke) souffrante de désordre mental et psychiquement très fragile et instable … forcément !
Dès le début, on devine très vite que le professeur Coupland est louche avec ses petites manières arrogantes et son discours pseudo-scientifiques et maniaco-rationnels. De plus, on apprendra aussi qu’il est très proche de son assistante Krissi ainsi que du sujet Jane Harper à qui il témoigne une affection tout à fait ambivalente et pernicieuse.
S’il m’a été impossible de pénétrer dans cette histoire dépourvue de toute accroche réelle et d’enjeux passionnants, je tente de percevoir un geste dans le récit qui essaye de semer le trouble et de développer un certain mystère autour du personnage de Jane et du professeur. Quand on découvre les liaisons secrètes de certains personnages, la jalousie et la parano parviennent à créer quelques moments de tension et, parfois, j’avoue m’être prêté au jeu en me demandant si ces relations électriques se tisseraient diaboliquement autour de l’intrigue horrifique. Avais-je raison ?
Nenni ! Si Coupland joué par l’impeccable Jared Harris (Sherlock Holmes 2, Lincoln, Madmen, etc), clairement le meilleur acteur du film, est peut être le seul de la troupe à susciter un intérêt, il est strictement impossible de suivre cette histoire complètement incohérente et illogique au possible autant dans les données des informations que dans le déroulement des événements. On verra donc la patiente soit disant dangereuse faire joujou près de la mare sans personne pour veiller sur elle (ah si, Brian, qui s’en amourache, la filme au cas ou elle tombe à l’eau !) et une scène de coupure d’électricité en pleine nuit, avec notre cinéaste en herbe qui, caméra au poing, court de l’extérieur et l’intérieur de la maison sans qu’on sache d’où il vienne et sans qu’on sache ou il aille en s’agitant de la sorte !
Finalement, c’est bel et bien cette succession affolante de mauvaises idées qui pullulent le métrage du début à la fin qui fera réellement peur ! L’autre grosse frustration, la réalisation apathique, tremblotante et hasardeuse qui ne viendra jamais relever le niveau. Johne Pogue, responsable à la fois du scénario et de la mise en scène pour la seconde fois de sa carrière (sa première expérience aux deux postes est En quarantaine 2, le bonhomme s’étant d’abord distingué en tant que scénariste … sic), compile et enchaîne les codes du genre sans jamais insuffler un quelconque malaise, ni travailler ses ambiances, la composition de ces plans ou utiliser la profondeur de champ : jamais le cinéaste ne tentera de styliser un minimum les scènes charnières qui sont censées effrayer ou bien celles qui impliquent des révélations importantes.
La seule chose qui à l’air de l’amuser, c’est de filmer des portes qui s’ouvrent, des escaliers vides dans la pénombre ou les quelques déambulations de Brian dans les couloirs de la maison … Toutes sortes d’éléments et de décors familiers qui n’apportent non seulement rien au récit, mais dont la volonté consciente et peu subtil se traduit surtout par « regarde spectateur, tu es dans un film d’horreur ! Treeeeemble ! » en ne parvenant jamais à focaliser sa caméra sur quelque chose de concret ou captivant : silencieuse ou pas, si esthétiquement il n’y a pas de corps, il ne peut y avoir d’âme. N’ayant aucune matière à laquelle nous attacher, on se rendra vite à l’évidence que le film n’a rien à montrer en plus de n’avoir rien à dire. Le final pathétique résume à lui tout seul toutes les intentions foireuses des scénaristes !
Pourtant, quand arrive la dernière partie, on imagine ce que le film aurait pu être s’il avait été confié à des gens compétents et soucieux du détail. Mélanger le côté scientifique et psychiatrique avec le fantastique n’est en soit pas nouveau, mais avec cette histoire de femme possédée confrontée à l’obsession du scientifique qui soutient mordicus que sa patiente délire simplement et qu’il n’y à rien de surnaturel dans son comportement, on entrevoit alors un potentiel inexploité et une matière intéressante à développer entre les trois personnages du scientifique aveuglé par ses travaux, de la patiente soumise et du jeune cinéaste épris de Jane.
Mais bon voilà, avec son traitement naturaliste et son recyclage mythologique, Les âmes silencieuses n’offre pas tellement de scènes vraiment chocs et c’est là finalement son plus grand défaut. La seule scène ou le premier élément horrifique fait son apparition avec cette énorme langue visqueuse et serpentine qui sort soudainement de la bouche de Jane surprend et subjugue, certes, le temps d’une seconde. Mais aucun des personnages ne semblent vraiment inquiets ou perturbés … Quand ils reviennent sur cet événement marquant la scène d’après, le bellâtre Harry ironisera en lançant un « ouais, un truc sorti de l’Exorciste ! » sans être un temps soit peu traumatisé par ce qu’il vient de vivre.
S’il plane quelque fois un parfum de mystère sur sa manière de flirter avec plusieurs genres, jusqu’à proposer une relecture presque attachante de La maison du diable (1963) de Robert Wise (mais tout en singeant allègrement L’exorciste 1 et 2 !), j’oublierais pour ma part très vite cette énième déclinaison de film de possession. Même la délicieuse et inquiétante Olivia Cooke (découvert dans le très beau mais imparfait The Signal de William Eubank), prêtant son visage lunaire et fiévreux à un personnage qui lui va à merveille, ne parviendra pas à sauver son interprétation dans cette production fastidieuse qui n’a clairement aucune personnalité.
Ayant connu un four dès sa sortie salle en Angleterre, mais tout de même sélectionné au Festival de Gerardmer 2015 (dans la catégorie Hors Compétition), Les âmes silencieuses sera directement distribué en dvd en France sans passer par la case cinéma. Finalement, seule l’une des affiches (2) permettra d’attiser notre imaginaire et d’évoquer un lot d’émotions bien supérieur à la totalité des images et des scènes du film : ça fout vraiment les j’tons quand je pense à cela, tient !
(1) – Genre cinématographique utilisant le point de vue subjectif, recherchant une véracité et une authenticité de l’événement via des images prises sur le vif, procédé très utilisé dans le cinéma d’horreur ces dernières années (Blair Witch, Rec, Cloverfield, etc) .
Avec : Catalina Sandino Moreno, Naya Rivera, Ashley Rikards
Résumé : Leigh, jeune et ambitieuse agente immobilière, est chargée de vendre la maison d’un couple mystérieux. Alors qu’elle travaille dur pour trouver des acheteurs, elle rencontre la fille des propriétaires, une jeune femme perturbée. Lorsque Leigh essaie de l’aider, elle se trouve piégée par une force surnaturelle aux intentions bien sombres …
AVIS: J’ai regardé ce film d’horreur sans rien lire du résumé, sans n’avoir lu aucune critique, et je dois avouer avoir été réellement bluffé par ce petit film de genre dont je n’attendais absolument rien. Encore une fois, c’est du côté de la DTV (Direct To Video) qu’il faut se tourner pour assouvir pleinement nos besoins cinéphiliques sur des péloches qui ne connaîtront jamais de sortie ciné. Ce film d’horreur, sortit en DVD le 25 février dernier, aurait amplement mérité d’être découvert sur grand écran tant il brille pour son traitement à la fois minimaliste et énigmatique. Enfin du recyclage de qualité autour de la maison hantée (mais pas que !), avec un monstre qui sort de l’ordinaire, porté par un récit ou plane un mystère oppressant qui nous tient en haleine du début à la fin.
Il y a beau y avoir quelques clichés et clins d’oeil dans par exemple les séquences de la maison hantée avec ses scènes qui durent des plombes, ainsi que cette triste brune à l’imperméable rouge très Roegien dans sa référence (Ne vous retournez pas ! – 1973), sans parler de quelques comportements malheureusement pas tout le temps réalistes, la mise en scène adopte en contrepartie une liberté de ton vraiment surprenante et diffuse des atmosphères inquiétantes à souhait qui forcent le respect : mes rétines étaient accrochées du début à la fin à mon écran sans le lâcher une seule seconde. Il n’y a pas à redire, le réalisateur est vraiment doué et malgré quelques scare-jump très académiques, il joue beaucoup avec le flou et la profondeur de champ pour distiller une horreur vraiment subtil comme on a peu l’habitude d’en voir !
Et puis le scénario est vraiment audacieux dans sa composition et ses partis pris. La mécanique du récit est loin d’être conventionnelle et sort franchement des sentiers battus, s’autorisant une approche osée l’éloignant de toute standardisation. Cette prouesse est vraiment à souligner : NicholasMcCarthy emboîte sans arrêt les points de vue des personnages féminins – qui sont le verni opaque nous dissimulant l’horreur qui règne dans le hors champs narratif ET visuel – sans perdre le spectateur et sans jamais lâcher son histoire et son concept.
La bande-son est elle aussi vraiment original : il n’y a quasiment pas du musique, l’attraction du film fonctionnant sur ses cadrages millimétrés, une photographie terne et glauque à souhait (surtout pour les intérieurs de la maison hantée en fait!), le tout ornementés par quelques sonorités dissonantes et lancinantes discrètes qui happent nos sens et attisent notre attention. Son approche de l’horreur, de l’étrange et de l’épouvante très singulière m’a complètement séduit. De plus, les actrices ont beau interpréter des personnages ordinaires, elles sont bien dirigées et ne cabotinent jamais : tout est en parfaite harmonie.
Et puis toutes les gesticulations des possédées – vraiment bien chorégraphiées et plutôt sobre dans la démarche – sans qu’il n’y ait de cut épileptique dans le montage fonctionnent à la perfection car le cinéaste n’est jamais dans l’esbroufe, et ça c’est agréable comme choix artistique. Excluant intelligemment l’explicatif, McCarthy a une entière confiance en lui et parvient à imposer son style avec une maturité impressionnante pour un deuxième film.
J’aimerais en dire davantage, notamment sur la mythologie et la particularité de la bête (dont on ne sait très peu de chose il est vrai, mais ça la rend encore plus fascinante à mes yeux), mais j’aurais trop peur de spoiler et briser le charme du film car moins on en sait, plus on appréciera cette pépite de genre délicieusement flippante qui se vit intimement autant qu’elle se regarde !
U.S.A. – Drame, musical – Date de sortie : 24/12/2014 – Durée : 01h47
Avec : Miles Teller, J.K. Simmons, Paul Reiser
Résumé : Andrew, 19 ans, rêve de devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au conservatoire de Manhattan où il s’entraîne avec acharnement. Il a pour objectif d’intégrer le fleuron des orchestres dirigé par Terence Fletcher, professeur féroce et intraitable. Lorsque celui-ci le repère enfin, Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l’excellence.
AVIS : Sortit en cette période de fête, Whiplash est incontestablement le plus beau cadeau qu’on puisse me faire ! Cette confrontation perverse, ambiguë et sadomasochiste entre un maître tyrannique et un élève surdoué dans une prestigieuse école de jazz est, en soi, un monument de cinéma.
Laissant l’idéologie au placard tout en posant une question complexe sur le rapport à l’enseignement, le cinéaste Damien Chazelle parvient, autour d’un montage précis, dynamique et fiévreux et d’une bande son exceptionnelle, à faire oublier les quelques défauts et facilité de scénario en axant son récit sur le rythme, la tension et la respiration, un peu comme le ferait un compositeur de musique avec ses chansons. Les quinze dernières minutes qui clôt le film, générique comprit, sont purement orgasmiques et j’ai rarement assisté à une telle décharge de vibrations dans un final, climax époustouflant ou l’élève affronte enfin le maître !
U.S.A. – Biopic, drame, guerre – Date de sortie : 07/01/2015 – Durée : 02h17 – Titre original : UNBROKEN
Avec : Jack O’Connell, Takamasa Ishihara, Domhnall Gleeson, Garrett Hedlund
Résumé : L’incroyable destin du coureur olympique et héros de la Seconde Guerre mondiale Louis « Louie » Zamperini dont l’avion s’est écrasé en mer en 1942, tuant huit membres de l’équipage et laissant les trois rescapés sur un canot de sauvetage où deux d’entre eux survécurent 47 jours durant, avant d’être capturés par la marine japonaise et envoyés dans un camp de prisonniers de guerre.
Tout est dans le titre et c’est un peu ça le problème ! La nature prophétique de ce dernier résume plutôt bien l’idée qu’il faut se faire de son scénario : la narration est une ligne droite toute tracée dont la finalité n’a pour but que de déifier un homme martyrisé par l’histoire (la seconde guerre mondiale) et l’ennemi (le Japon). Tant pour l’intrigue que pour la dimension héroïque érigée par cette hagiographie de l’athlète américain Louis Zamperini, rien ne viendra perturber l’effroyable destinée du personnage qui n’a que sa résistance et sa foi pour affronter les pires coups du sort qu’on puisse imaginer.
Angelina Jolie, qui passe à la réalisation pour une seconde fois, ne fait pas grand chose du scénario plat et sans réels enjeux dramatiques des frères Ethan et Joel Coen (scénario qu’ils ont effectué d’après une ébauche réalisée par William Nicholson, ceci explique peut être cela !(1)), adaptation du livre éponyme écrit par Laura Hillenbrand, auteur de Pur sang : la légende de Seabiscuit. Sans éclair de génie mais non sans un sens aigu du cadre, elle se contente d’illustrer tel quel un script ponctué par des flashbacks qui ne servent qu’à donner plus d’empathie au protagoniste, tant ils ont du mal à se justifier dans cette mécanique du récit qui érode le souffle romanesque et la dimension tragique que la cinéaste essaye de déployer.
Portée davantage par une idéologie que par la volonté d’édifier un portrait réaliste à hauteur d’homme, le caractère propagandiste de cette apologie de la ‘résistance à l’américaine‘ pose problème car il ne touche jamais à l’universalisme et son message ne touchera, pour sûre, que le public américain. Ainsi, c’est parce qu’il croit en Dieu, en sa famille et en sa patrie que Zamperini puise de l’énergie et de la force pour ne pas flancher face aux épreuves atroces et barbares qu’il subit, qu’il s’agisse de survivre sur un bateau gonflable perdu dans l’océan Pacifique (à mes yeux la partie la plus réussit) ou dans un camp militaire japonais ou il sera la bête noire d’un chef autoritaire, sadique et sans scrupule. Alors on est bien content pour lui, mais le film ne passionne jamais par ces motivations maint fois exploitées par le cinéma américain, mais aussi parce que Jolie ne développe aucun point du vue particulier sur l’histoire qu’elle nous raconte.
SPOIL !Invincible ira jusqu’à se complaire dans un certain dolorisme volontairement éprouvant (mais supportable !) dans cette deuxième partie. Rarement les dialogues viennent donner de l’épaisseur et un temps soit peu de psychologie à ce héros inflexible qui surmonte toutes les injustices voulus par son tortionnaire. Dans cette partie, le chemin que parcours Zamperini n’est pas sans évoquer La passion du christ de Mel Gibson : l’athlète américain traverse un chemin de croix similaire au Christ et rarement la cinéaste et les scénaristes ne se focalise sur la dimension humaine du personnage. Il ne fait qu’affronter les pièges pervers que lui tend son bourreau, sans sourciller et sans fléchir, et accueille le prochain supplice dans le silence et l’abnégation la plus totale. FIN DE SPOIL !
Mais étrangement, la bonne facture du film et ma distance affective pour ce personnage sur-écrit m’ont tout de même permis d’apprécier la séance à sa juste valeur. Dès l’introduction, de magnifiques plans aériens d’une grande beauté visuelle à bord d’avions de guerre donne sacrément le vertige et permettent surtout une immersion immédiate : sans doute est ce pour cela que le film est construit par des flashbacks, car cette scène spectaculaire qui nous scotche à notre fauteuil à la mérite de rentrer dans le vif du sujet et capte toute notre attention !
Sur ce projet, Angelina Jolie a eu la très bonne idée de s’accompagner du génial chef opérateur Roger Deakins (c’est d’ailleurs sa présence à la photo qui m’a donné envie de découvrir le film en salle), responsable de la photographie de Skyfall, Prisoners, Les noces rebelles, The reader et la quasi totalité des films des frères Coen. Autant le dire sincèrement, certains plans touchent au sublime : il y a pas à dire, Deakins prouve encore une fois qu’il est l’un des plus grands techniciens de l’image de sa génération !
Je pense d’ailleurs – et ce n’est là que mon avis – qu’Angelina Jolie a du demander ou écouter les conseils de ce technicien surdoué (et peut être d’autres, qui sait !) pour avoir d’aussi beaux cadrages car les plans comme les mouvements de caméra sont vraiment bien pensés et exécutés dans certaines séquences ! Car là ou le film se vautre dans du sensationnalisme outrancier pour véhiculer de l’injustice envers ce pauvre Zamperini afin qu’il acquiert son statut de héros, nombreuses sont les scènes ou j’ai frémis corps et âme : malgré la pauvreté du scénario qui n’apporte absolument rien ni au film de guerre, et encore moins au biopic, Invinciblepossède une ossature formelle en béton armé qui force le respect !
Il faut reconnaître que la cinéaste n’est pas trop démonstrative dans sa mise en scène non plus et qu’elle laisse à ces acteurs une place tout à fait honorable, même si le casting est loin d’être parfait : il est évident que certains d’entre eux, notamment les soldats américains, n’ont été recruté que pour leur belles gueules. Mais la mention spéciale revient à Takamasa Ishihara, acteur japonais jouant l’officier qui martyrise Zamperini, qui est un chanteur et guitariste japonais très réputé dans son pays sous le nom de Miyavi. Le créatif et prolifique Alexandre Desplat compose quant à lui une bande son timide plutôt anecdotique.
S’il manque d’ampleur et d’ambition dans son récit – et s’il énerve un peu dans sa manière de présenter une pseudo-réalité des choses en exposant les moments les plus éprouvants, l’immersion fonctionne grâce à sa tenue visuelle d’excellente facture. Mais il ne faut pas être dupe non plus ! L’intention d’Angelina Jolie est bel et bien d’ériger Zamperini en héros national (agé de 96 ans, l’athlète américain est toujours en vie !), homme au parcours exceptionnel qui verra enfin son nom entrer dans l’histoire du cinéma et permettra surement à la cinéaste de décrocher au moins une statuette lors des prochaines cérémonie des oscars. Car, c’est bien connu, Hollywood aime autant fabriquer que contempler ses héros !
U.S.A. [2014] – Thriller, drame, crime – Date de sortie : 26/11/2014 – Durée : 01h57 – Titre original : Nightcrawler
Avec : Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Bill Paxton, Riz Ahmed
Résumé : Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n’aura aucune limite.
NIGHT CALL – Lou, portrait d’un filmeur en série !
Lou Bloom, un jeune homme solitaire et ambitieux de Los Angeles, n’est accroc ni au sexe, ni à la drogue et encore moins au rock’n roll. Sa seule adrénaline est le scoop qui révélera l’événement le plus obscène de la nuit. Tel un prédateur nocturne armé de sa caméra, il les scrute et traque sans vergogne pour les vendre ensuite aux chaînes d’informations. Vivant d’abord de larcins en tout genre le temps de l’introduction qui nous familiarise sournoisement avec le personnage, Lou découvrira un peu par hasard l’univers du fait divers et s’improvisera reporter free-lance en voyant là une occasion en or de pouvoir enfin réussir sa vie.
Il s’équipe alors en matériel électronique pour se brancher sur les fréquences de la police et devancer ainsi les patrouilles. Intelligent et bien organisé, il développe une tactique infaillible pour arriver le plus rapidement possible sur les lieux accidentés, les scènes criminelles ou les incendies pour saisir avant tout le monde les images choquantes. S’il nous est présenté comme une personne au comportement troublant et sans aucune éthique, Lou est dans la forme un orateur brillant, charmeur et sympathique qui usera toujours de la rhétorique pour arriver à ses fins, sans jamais bafouer la loi.
Toute l’horreur et la fascination de Night Call réside dans ce portrait réaliste d’un reporter qui s’aliénera complètement pour poursuivre son ambition personnelle. Il deviendra un monstre avide de sensations fortes en s’engouffrant coeur et âme dans la ‘ville des anges’ pour rechercher l’information la plus sordide qui le rendra riche et célèbre. C’est d’ailleurs sa transformation à lui qui fait peur et captive tout autant : il sombre lentement mais surement dans des obsessions abjectes qui dérangent et rebutent, et nous prend en otage jusqu’à la tombée du générique. Son absence de toute moralité, son voyeurisme et sa perversité fait vraiment frémir et ne laissera pas indifférent le spectateur lambda …
Sans prendre le parti de qui que ce soit, Dan Gilroy reconstitue avec une justesse pertinente les coulisses des chaînes d’informations et la vie trépidante et fourbe de leurs rapaces qui leur procurent de quoi alimenter leur sacro-saint audimat. Isolés et coupés du monde social dans leur tour, ces hommes de l’ombre n’ont d’yeux que pour cette audience qui assurent leur toute puissance et la longévité de leur carrière. Un présentateur télé plein de piquant ne s’exclame-t-il pas: « L’actualité, c’est vous qui la vivez, c’est nous qui en vivons ! » ?
Night call fait terriblement peur parce qu’il affiche une neutralité absolument tétanisante. Sans aucun artifice de mise en scène, Dan Gilroy assume un parti pris casse gueule et pourtant réussit de montrer les motivations et ressentis de Lou Bloom sans afficher un point de vue idéologique ou morale sur ses actions. C’est d’ailleurs en s’effaçant derrière son ‘sujet‘ qu’il créera à la fois un malaise et une mise en abîme édifiante et vertigineuse avec son protagoniste dans un final d’une grande noirceur. Cette magnifique scène au suspense absolument prodigieux a, je pense, toutes les bonnes raisons de devenir culte !
ATTENTION SPOIL ! Lou, jamais rassasié et toujours à l’affût du scoop le plus percutant, décide de déformer la réalité sur une affaire criminelle qui le rendra célèbre au sein de la boîte avec qui il travaille. Il leur montre un montage tronqué qui ne dit pas tout, et le monstre se révélera alors à lui même dans une scène absolument géniale, point d’orgue ultime ou le démiurge filme et suit en direct le scénario qu’il a alors orchestré. On le contemple alors en train de contempler sa grande oeuvre qui le fera définitivement entrer dans le cour des grands en devenant enfin son propre patron et un homme accompli. FIN DE SPOIL
Night Call est surtout une belle et évidente parabole sur le pouvoir des médias, le pouvoir des images étant sans limite avec une utilisation pernicieuse de la voix-off et du montage. Au travers des événements réels, truqués ou imaginés, le film rappelle au spectateur que tout cela n’est que du cinéma : ses couches de lectures qui se superposent pénètrent notre inconscient et font naître un lot de sensations vraiment enivrantes et déstabilisantes. Car sur petit et grand écran, le réel n’existant pas, le champ visuel est toujours animé pour la volonté invisible d’insidieux marionnettistes, faisant de cet immonde spectacle du quotidien un simulacre porté par une réelle intention de distiller du dégoût, de la peur ou certaines idées à ses téléspectateurs.
Rien de bien neuf et de pertinent penseront certains. Mais le film hypnotise et impressionne également dans son exploration de la vie nocturne de Los Angeles : on s’immerge avec une grande fascination dans le coeur de la ville qui cache sous son voile obscur des drames tragiques qui ne demande qu’à être filmés …. De plus, Lou est une géniale incarnation du libéralisme qui voit en son ambition – volonté d’indépendance totale et de s’élever dans la société – quelque chose de naturel et sain. Quand il discute avec ses divers collaborateurs, jamais il ne culpabilise sur ses actes immoraux et applique une politique et une dynamique que les grosses entreprises de son pays elles mêmes appliquent.
Le scénario frise à mes yeux la perfection ! Jamais programmatique, allant à l’essentiel et toujours d’une étonnante fluidité, ce sont les dialogues d’une grande finesse psychologique – énorme travail de caractérisation ! – et les motivations du protagoniste qui font toujours avancer l’intrigue. Night Call brille ainsi de mille feux sur plusieurs aspects techniques et artistiques que ce soit la qualité de son scénario, l’intelligence de sa mise en scène ou l’interprétation de ses acteurs.
Les cadrages classiques et épurés de Gilroy laissent ainsi s’épanouir son histoire et son personnage principal avec une étonnante sobriété, la très belle photographie de Robert Elswit (1) étant le seul aspect de la mise en scène le plus sophistiqué. Ce terrifiant et glaçant naturalisme étant le moteur du récit, on se délecte malgré tout de la performance de Jake Gyllenhaal qu’on oublie totalement sous les traits de Lou Bloom, faisant disparaître son statut de star avec un talent indéniable : c’est ce qu’on appelle dans le jargon un rôle de composition. Rarement il aura autant aligné les bons films quand on se souvient de ses interprétations dans les récents End of watch, Enemy et le magnifique film noirPrisoners. Dans un genre similaire mais sur un tout autre sujet, Night Call partage d’ailleurs avec ce denier d’être sans aucun doute la grosse surprise de l’année 2014, comme Prisonersl’a été en 2013.
Dan Gilroy ausculte sans fioriture et aborde sans ménagement le mythe américain et nous le restitue sans aucune ironie ! Rarement les dérives de l’individualisme (la nécessité absolu de réussir professionnellement étant ici pointé du doigt) n’aura trouvé un écho aussi éloquent et révélateur dans le cinéma contemporain.
Si j’ai parfois pensé à Walter White – le protagoniste de Breaking Bad – dans l’évolution du personnage de Lou, le cinéaste parvient à dresser le même bilan que la série en convoquant avec une précision étourdissante toutes les contradictions de la société américaine. Incapable de regarder les démons qui sommeillent en son sein, ses mythes qui font des libertés individuelles la fondation de leur culture, l’aveuglent souvent bien plus qu’elle ne l’éclairent.
(1) – Le chef opérateur Robert Elswit a travaillé sur la plupart des films de Paul Thomas Anderson, mais il a aussi fait la photographie de Mission Impossible : protocole fantôme, The town, Redbelt, Syriana, 8 millimètres, etc.
U.S.A. [2014] – Science fiction, aventure, drame – Date de sortie : 05/11/2014 – Durée : 02h49
Avec : Matthew McConaughey, Anne Hathaway, Jessica Chastain, Michael Caine
Résumé : Dans un futur proche, la Terre est de moins en moins accueillante pour l’humanité qui connaît une grave crise alimentaire. Cooper, un ancien pilote d’essai et ingénieur, est devenu agriculteur et vit dans sa ferme avec sa famille. Sa fille Murphy, âgée de dix ans, croit que leur maison est hantée par un fantôme qui tente de communiquer avec elle. Son père la défie de prouver l’existence de ce fantôme selon une démarche scientifique, elle découvre avec son aide que le « fantôme » est une forme inconnue d’intelligence qui leur envoie des messages codés au moyen d’ondes gravitationnelles qui altèrent la poussière sur le sol, et les orientent vers une installation secrète de la NASA.
Cooper se rend sur place et y apprend que, malgré les démentis du gouvernement, la NASA existe toujours, et que les scientifiques dirigés par le professeur John Brand ont découvert un trou de ver formé 48 ans auparavant, qui se trouve en orbite autour de Saturne. Il serait la seule chance de survie de l’humanité, car il permettrait d’accéder relativement rapidement, sans voyages intersidéraux pouvant durer des millénaires, à de nouveaux mondes dans une autre galaxie. Cooper est recruté pour piloter l’Endurance, un vaisseau spatial expérimental, dont la mission sera de retrouver les explorateurs de la mission Lazare, une série de capsules habitées envoyées à travers le trou de ver pour étudier une douzaine de planètes potentiellement colonisables.
S’il est de notoriété publique que Christopher Nolan soit l’un des cinéastes les plus importants de ces quinze dernières années, je dois bien avouer que je ne suis pas un grand fan du bonhomme. Depuis le début de sa carrière, il s’est illustré avec un talent certain dans des oeuvres percutantes et personnelles, très éloignées des canons hollywoodiens standards de part une dimension tragique et sombre qu’on ne retrouvait pas dans les grosses productions populaires. Dimension qui s’est d’ailleurs imposée et banalisée dans bien d’autres blockbusters récents depuis le succès de The Dark Knight qui l’a intronisé ‘cinéaste culte’ dans le paysage cinéphilique et son milieu professionnel.
Seulement voilà, ses films aux concepts ambitieux portés par une écriture ampoulée et hyper programmatique ne m’ont jamais captivé plus que cela.
S’il est extrêmement cohérent dans sa filmographie avec des thématiques récurrentes (personnages qui se mentent à eux même, expérience de la mémoire et de l’oubli, mort d’une femme provoquée par de sombres obsessions et un aveuglement, destinée tragique du héros), c’est davantage sa maîtrise de l’ellipse et du montage qui ont fait la singularité et la renommé du réalisateur britannique. En brillant technicien, Christopher Nolan sait captiver le spectateur comme peu savent le faire ! Il construit ses récits vertigineux avec une grande habileté, provoquant une enivrante catharsis et une profonde fascination pour ceux qui se laissent emporter par ses successions d’images ou la réalité et l’illusion cohabitent et brouillent sans arrêt nos repères habituels.
Trop conscient de ses effets et beaucoup trop avare en explication, son cinéma – qui laisse finalement peu de place au mystère et ne suscite jamais l’imagination du spectateur – ne procure en moi aucune émotion, la faute à une surenchère d’information dont la finalité est justement de nous faire frémir et ressentir une émotion calculée à l’avance. Mais il faudrait être de mauvaise foi pour réduire de la sorte sa ‘patte’ car il a, à n’en point douté, apporté une réelle nouveauté dans la manière de faire des films dans les années 2000. Mais revenons en à nos moutons …
En 2006, le projet Interstellartombe entre les mains de Steven Spielberg qui demande à Jonathan Nolan d’en écrire un premier jet afin qu’il réalise le film. Mais trop occupé dans ses nombreuses productions, Spielberg demande cinq ans plus tard à Christopher Nolan de le remplacer au poste de metteur en scène. Ce dernier suggère alors à son frère (qui a très souvent écrit pour lui depuis le début de sa carrière) d’enrichir le script avec quelques unes de ses idées en plus d’être secondé par un savant de renommée mondiale, Kip Thorne (1), dont les thèses apporteront un point du vue scientifique considérable au scénario afin que la fiction soit le plus réaliste possible.
Etonnamment, j’étais plutôt excité de découvrir le film quand le jour de sa sortie approchait car j’affectionne particulièrement la science fiction. Je me suis dit que le style du cinéaste, avec pour décor la conquête spatiale et l’espace-temps, ne pouvait que s’épanouir ou pouvait trouver une certaine forme d’exaltation en expérimentant avec un brin de folie des sujets pareils. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un film assez sobre en effet narratif et de mise en scène qui laisse, pour la première fois de sa carrière, la part belle à ses personnages ! Dans l’absolu, j’avoue avoir passé un très bon moment même si je l’ai très vite oublié depuis. Explication.
Avant toute chose, il faut que je m’exprime concernant la comparaison malheureusement inévitable que la presse et les gens font entre Interstellar et 2001 l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, qui ont pour seul point commun l’exploration spatiale. Si à ce propos je me fiche bien du statut culte du film de Kubrick, l’identité respective des deux cinéastes sont tellement éloignées l’une de l’autre – autant sur le fond que dans la forme – qu’il m’est difficile d’établir un lien rationnel. Christopher Nolan se sert de la technique pour créer une tension et une attraction savamment orchestrées pour obtenir des effets voulus là où Kubrick développe un langage poétique, symbolique et métaphysique en laissant une place profonde à l’interprétation et surtout, en multipliant les niveaux de lecture. Et Interstellarne possède aucune de ses caractéristiques.
Avant de citer les qualités du film, car il en possède plusieurs dont une à la hauteur de son ambition, je vais d’abord me pencher sur ce qui m’a posé problème. Tout d’abord, si j’ai plutôt apprécié la première partie sur la terre, je trouve dommage que le décor post-apocalyptique ne soit réduit seulement qu’à une petite région de l’Amérique rurale. Le cadre dans lequel évolue la longue mais passionnante introduction est à mes yeux trop restreinte et n’épouse pas assez une vision d’ensemble ou se marierai état global du monde et détresse de l’humanité. Si le récit est clairement centré sur la relation père/fille, je trouve dommage que des enjeux à l’échelle de la planète ne soit pas développés.
Cette carence bénigne est heureusement compensée par une émouvante relation que Nolan tisse admirablement entre Cooper – le protagoniste joué par Matthew McConaughey – et sa fille Murph avec une authenticité et une profondeur qui ne lui ressemble pas du tout : on sent en tout cas bien ce qui avait intéressé Spielberg dans cette histoire entre une enfant et son père, sujet de prédilection qui a du attiré son attention et qui n’a pas été occulté dans son résultat final. C’est d’ailleurs là que réside la force et l’intérêt d’Interstellar. On est véritablement ému par cette affection fusionnelle qui insuffle une synergie sibylline à l’intrigue de science fiction, en plus d’être le coeur même du film !
Mais à peine une demie heure plus tard, l’apparition de la première grosse faiblesse scénaristique fait presque flancher cette intimité qui s’est créée entre eux et le spectateur. A savoir quand, en à peine cinq minutes montre en main, Cooper, qui s’approche d’une base secrète de la NASA avec sa fille, passe d’intrus suspect à héros tout désigné pour sauver le monde.
Les rares fois où il privilégie la respiration et la psychologie pour poser les bases de son histoire, voilà que Nolan retombe inexorablement dans ses travers et son maniérisme formelle. De larencontre entre Cooper et les scientifiques qui prévoient d’évacuer la terre au départ précipité de l’équipe d’astronautes dans l’espace avec Cooper comme pilote, s’enchaînent alors des séquences saturées de bavardages explicatifs et de présentation rapide entre les divers personnages, si bien que mon engouement s’est assoupit aussitôt. Mais bizarrement, pas mon intérêt pour l’histoire (… dont j’avais deviné la fin dans un coin de ma tête à propos de la présence du fantôme dans la chambre de Murph).
Autre point négatif et pas des moindres ! Une fois passé le trou noir avec une navette de reconnaissance, quand Cooper, Doyle et Amélia/Anne Hathaway explorent la première planète, ils ne restent que quelques heures et retournent vite au vaisseau mère, l’Endurance, quand ils se rendent compte qu’elle n’est pas habitable. Seulement, en empruntant le trou noir, une heure sur cette planète équivaut à sept années sur l’Endurance, soit, dans notre galaxie. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils retrouvent leur compagnon Romilly qui était resté là à les attendre ! Et bien en fait, il n’y a pas de surprise. L’astronaute, qui les a attendu toutes ces années, n’a subit aucun traumatisme et ne semble pas plus perturbé que cela quand il annonce tout le temps qu’il s’est écoulé.
Ce genre d’expérience sur l’isolement et la solitude doit indéniablement laisser une trace lisible sur le comportement de Romilly. Nenni ! De plus, Cooper et Amélia annoncent dans la même séquence que Doyle, le quatrième astronaute, a été emporté par une vague géante sur la planète. Cette disparition n’occasionne pas tant de peine que cela aux protagonistes et s’approchent alors de la prochaine planète à explorer. On retrouve encore une fois, dans ces instants, le manque effarant de psychologie qui dessert souvent ses oeuvres, si bien que je n’ai pas été une seule fois ému ou surpris par cette information qui n’est là, encore une fois, que pour faire avancer le récit. Mais là ou Nolan est quand même doué, c’est qu’on reste malgré tout happé par l’histoire sans que les temps faibles amoindrissent l’effet de catharsis.
Il y a une guest-star non créditée assez surprenante qui fait son apparition dans la deuxième moitié du métrage. En effet, sur une planète glacée, les astronautes découvrent le professeur Mann toujours en vie dans son caisson d’hibernation. Si la surprise est totale et ne choque pas trop dans les premiers échanges, il m’a été difficile d’être complètement convaincu quand on apprend alors quelles étaient ses véritables motivations. Je trouve sincèrement que ce n’était pas l’acteur idéal pour incarner ce personnage qui ne colle pas trop avec les rôles qu’il a l’habitude de jouer. Effet complètement loupé et s’en est fini pour les reproches !
Pour rebondir sur les points positifs, je commencerais par parler des robots CASE et TARS qui sont les éléments les plus surprenants et déroutants d’Interstellar (voir photo ci dessus). Ils dénotent vraiment de l’ensemble et sont la petite touche fantaisiste du film, insufflant un second degrés bienvenue qui apporte un certain équilibre et une tonalité rafraîchissante avec l’aspect pesant des ambiances recherchées par Nolan. Leur design dépouillé et austère n’est pas sans évoquer le monolithe noir de 2001 l’odyssée de l’espace et il s’agit sans nul doute du clin d’oeil le plus subtil du film à celui de Kubrick. Ils ont une vraie allure, de la personnalité et une mécanique originale pour se mouvoir et se déplacer qui les rend autant atypique qu’attachant.
Mais la puissance et l’élégance d’Interstellar provient sans hésiter de sa tenue visuelle et de son imagerie qui apportent une nouvelle pierre à l’édifice du cinéma de science fiction. L’aspect granuleux de l’image renoue avec un cinéma plus traditionnel et Ô combien plus agréable à l’oeil que l’outil numérique qui, quand on abuse de ses possibilités, rend les formes et les couleurs à la fois lisses et artificielles. Si la haute définition des caméras numériques a permi de franchir une nouvelle étape dans la façon de faire des films, je fais parti des cinéphiles qui apprécient bien mieux la pellicule et Nolan nous rappelle, et c’est la grosse qualité que j’évoquais plus haut, que les images de synthèses et la pellicule sont un mariage absolument saisissant quand elles sont utilisées de la sorte.
Dans les cadrages baignent constamment une atmosphère ou l’intime se confond avec le spectaculaire : sur la planète océanique et le monde glacé, la lumière éthérée et les textures grisonnantes et argentées apportent une dimension sensitive à ses sublimes paysages extraterrestres qui restent bien gravés dans la mémoire. Et juste pour ça, je tire mon chapeau à Christopher Nolan et toute son équipe technique qui nous offrent un spectacle d’une grande beauté plastique comme j’ai rarement l’habitude d’en voir : je ne suis pas près de retrouver ses sensations sur un petit écran ! Dans l’une des dernières scènes du film – sans doute le climax – on retrouve d’ailleurs son goût pour les trompe l’oeil ludiques et vertigineux qu’il affectionnait tant dans Inception (2010).
Si la plupart des planètes explorées par les astronautes sont à la fois sobres, impressionnantes et superbement bien pensées, la mention spéciale revient sans aucun doute au trou de ver et au trou noir. Cela faisait une éternité qu’un film de science fiction n’avait pas offert des images inédites et subjuguantes que l’on n’avait jamais vu jusque là. Ce spectacle si stupéfiant et si beau, ainsi que la première traversée du trou de ver qui fait apparaître d’étranges phénomènes dans l’Endurance, sont sans aucun doute les scènes les plus incroyables et les plus mémorables que j’aurais vu cette année au cinéma ! Un spécialiste s’est d’ailleurs exprimé à ce sujet concernant le trou noir :
« L’élément le plus réaliste du film, c’est le trou noir. Sa modélisation est tellement aboutie que l’astrophysicien Kip Thorne va s’en servir pour un article ultérieur. Je n’en ai certes jamais vu, de trou noir, mais au regard de ce que l’on sait, cette simulation est bluffante. Notamment tout ce qui se passe autour du trou noir : le disque d’accrétion en rotation rapide, c’est-à-dire la matière en orbite attirée par le trou noir. » (2)
La partition du compositeur Hans Zimmer est elle aussi d’une étonnante modération par rapport à ce qu’il avait produit ces dernières années. Lui qui avait tendance à mettre de la musique sur quatre vingt pour cent de la bobine en donnant trop souvent dans des surenchères tonitruantes à la limite du supportable, a décidé de laisser les grosses orchestrations au placard au profit d’un minimalisme très lyrique. Il a concocté une bande originale lancinante et atmosphérique très inspirée (j’ai un peu pensé au Brian Eno des années 70) et de grande qualité, comme il avait l’habitude d’en faire par le passé et qui avait contribué à sa renommée dans les années 90 et au début des années 2000 (Le roi lion, USS Alabama, Volte face, La ligne rouge, Gladiator, etc). Elle s’écoule naturellement et résonne avec une douceur miraculeuse sur les images, tel un beau et paisible ruisseau traversant une vallée verdoyante dans une campagne idyllique.
Concernant les acteurs, Matthew McConaughey incarne un émouvant père de famille et un crédible pilote de la NASA avec un jeu fin et intimiste, mettant en sourdine ses afféteries habituelles afin de moins théâtraliser ses expressions de visages et ses postures physiques. Comme Hans Zimmer, il choisira l’épure et la simplicité pour véhiculer des émotions universelles et ajoute ainsi une nouvelle corde à son ar(t)c depuis sa reconnaissance avec Killer Joe (2011) de William Friedkin. A Hollywood, cet acteur texan est définitivement la plus grosse révélation de ces cinq dernières années ! Je ne m’étendrais pas sur Jessica Chastain dans des superlatifs élogieux car, comme à son habitude, je la trouve parfaite et tant pis si elle n’apparaît pas tant que ça à l’écran. Quant à Anne Hathaway, elle est très bien en Anne Hathaway …
Finalement et avec le recul, la scène la plus émouvante est certainement la plus simple. Quand Cooper revient de la première planète visitée et que s’est écoulé vingt trois ans, il visionne ses messages vidéos et tombe sur ceux de sa fille qui a donc pris vingt trois années en quelques heures. Avec un simple champ/contrechamp, Nolan prouve qu’il sait utiliser à bon escient l’outil cinématographique sans faire appel à des procédés techniques sophistiqués pour faire naître une véritable émotion. J’ai encore en mémoire ce plan ou Cooper découvre pour la première fois, sur l’écran de son vaisseau, le visage blême et impassible de sa fille devenue femme qui a du mal à feindre une tristesse profonde et une colère enfouie envers son père qui l’a abandonné sur terre.
Cette scène d’une grande pureté m’a un peu réconcilié avec son cinéma et tant pis si, en soit, Interstellar n’a pas de prétention autre que d’être avant tout un blockbuster hollywoodien intelligent et émouvant, à défaut d’être une oeuvre profonde et métaphysique. Car Christopher Nolan raconte d’abord et surtout une histoire entre un père et sa fille avec, certes, une sincérité et un élan que je ne lui connaissais pas. S’il a de réelles capacités à nous sidérer dans des fulgurances malheureusement éphémères qui ne comblent pas un manque cruel de réels enjeux dramatiques et métaphysiques pour faire d’Interstellar une oeuvre culte, ses intentions en font une belle expérience cinématographique ou l’émotion est en tout cas intègre.
U.S.A. [2013] – Thriller, drame, crime – Date de sortie : 09/07/2014
Avec : Macon Blair, Devin Ratray, Amy Hargreaves
Résumé : Dwight a passé les dernières années à errer sans but en vivant dans sa voiture. Ce comportement en apparence paisible est bouleversé lorsqu’il découvre que Wade Cleland Jr., condamné pour le meurtre de ses parents, va être libéré de prison. Dwight rentre chez lui, en Virginie, pour y accomplir sa vengeance.
AVIS : Tragique et crépusculaire comme Shotgun stories de Jeff Nichols dont la filiation thématique (poids et conflits familiaux qui reposent sur les enfants en devant gérer les choix de leur père) et formelle est évidente, Blue ruin brille et respire à travers sa mise en scène aussi épuré que vraiment inspiré. Le film fonctionne grâce à la mine patibulaire et les allures fragiles de Dwight qui n’est pas du tout taillé pour les objectifs qu’il s’est fixé. Il nous touche intimement parce qu’il est un homme ordinaire dans son combat et que le film de Saulnier se concentre toujours sur la dimension humaine et obsessionnelle de son personnage, motivé par son besoin viscéral de vengeance. Esthétiquement, il trouve d’ailleurs un étonnant équilibre entre le psychologique et le contemplatif, ajoutant ainsi une épaisseur et une densité émotionnelle à l’histoire qui est, en soit, pas d’une inventivité folle.
Le récit a beau être linéaire et les enjeux dramatiques assez convenus, je n’ai pas décroché une seule seconde et je me suis laissé emporter avec un réel plaisir par le montage elliptique d’une grande précision et d’une étonnante fluidité, la réussite en revenant aussi à l’acteur Macon Blair insufflant une réelle empathie à son personnage. Dommage que le casting ne soit pas parfait (l’ami d’enfance de Dwight ne m’a pas convaincu un instant !) car le chemin de croix pseudo-salvateur du protagoniste est vraiment émouvant, notamment le dernier quart d’heure qui m’a complètement retourné ! On n’est pas loin du chef d’oeuvre.