La théorie des dominos (The domino principle) de Stanley Kramer
/ 7
Merci à Cinétrafic pour l’opération « un DVD contre une critique » !
Distribué en Blu-ray et DVD depuis le 2 juin 2015 par Elephant films : la page Facebook du site.
Retrouvez d’autres films dans le genre psychologique et thriller sur Cinétrafic
_____________________________________________
Origine : U.S.A. (1977) – Genre : Thriller, drame – Durée : 01h41
Avec : Gene Hackman, Candice Bergen, Richard Widmark, Mickey Rooney
Résumé : Tout ce que Roy Tucker a gagné en combattant au Viêt Nam, c’est son adresse au tir au fusil. Sinon, c’est un loser chronique qui a été condamné à 20 ans de réclusion pour meurtre. Un jour, il reçoit dans sa prison la visite d’un mystérieux inconnu qui lui propose de recouvrer sa liberté en échange d’un « petit service »… Tucker accepte et se trouve plongé au cœur d’une ténébreuse conspiration …
___________________________________________________________________________
AVIS : Autant être honnête dès le départ, je n’ai pas beaucoup aimé cette Théorie des dominos qui, dès le début, ne ressemble en rien à un film du ‘nouvel Hollywood‘ et encore moins à un film vertigineux et dense sur une « machination palpitante » comme le laisse entendre l’arrière de la jaquette. Si le nom de Gene Hackman est au générique, il ne parviendra pas non plus à rendre son personnage intéressant en partie à cause de l’écriture explicative et ultra directive du récit.
Dès l’ouverture, le film se trompe de ton et n’attirera aucunement mon attention. Au lieu de glisser doucement mais sûrement dans l’inconnu et dans la névrose obsessionnelle du personnage principal qui, dans l’ombre, sera manipulé et contrôlé par ses commanditaires, le scénario, qui ne laisse aucune place au mystère, ne laisse aucun doute au spectateur sur les intentions de ces derniers. En fait, cette oeuvre de Stanley Kramer est tout sauf un film des années 70.
Cette décennie est reconnue pour avoir à la fois dépoussiérée les récits académiques afin de laisser plus de place au vérisme, au sentiment d’urgence et au personnage principal mais surtout, pour davantage coller au réel en filmant directement dans la rue et les décors naturels. Je ne comprends donc pas pourquoi, alors que nous sommes en 77 lors du tournage, une photographie aussi blanchâtre qu’hideuse inonde les plans au point de rebuter les rétines sensibles (et dieu sait que les miennes le sont !) et les fans du genre qui préféreraient nettement un travail plus sophistiqué ou subtil sur les clair-obscures ou sur la lumière naturelle : on a l’impression que les techniciens de l’image on 30 ans de retard !
Personnellement, ces choix esthétiques contre-immersif ne m’ont jamais convaincu, si bien que je ne me suis jamais senti investit par l’histoire et les enjeux dramatiques. On a vraiment l’impression que les deux directeurs de la photographie, pourtant très loin d’être des manches aux vus de leur travaux respectifs antérieurs, sont restés bloqués dans l’âge classique américain sans se faire influencer par les canons innovants du ‘nouvel Hollywood‘. Tout le long du métrage, une lumière moche et criarde éclaire sans finesse tous les plans en intérieur, si bien qu’il m’est arrivé parfois de voir plusieurs ombres d’un même personnage projetées en arrière plan sur les murs et sur le sol.
Ce pourrait être un détail, certes, mais les incohérences et le manque de sérieux de certaines scènes repoussent encore davantage l’implication. Comment croire en effet à l’évasion de Roy Tucker dans la cour principale de la prison qui fourmille de monde en plus d’être en pleine journée !? Comment croire que Roy, si peu lucide sur sa condition d’homme surveillé, ne soit jamais perturbé ou tourmenté dans son idylle avec sa femme qu’il vient tout juste de retrouver ?? Les scènes de baiser et d’embrassade passionnelle lors de leur retrouvaille sont en plus d’un kitsch de très mauvais goût. On a vraiment du mal à se dire qu’on est dans le cinéma enragé et percutant des années 70 ! On est vraiment très loin de la qualité des oeuvres paranoïaques et anxiogènes comme Klute (1971), L’opération diabolique (1967), A cause d’un assassinat (1974), Les trois jours du Condor (1975) ou encore de la frontalité d’un film comme Serpico (1973).
Alors que John Frankenheimer, Sydney Lumet, Alan J. Pakula, Sydney Pollack ou encore William Friedkin sont en train de bouleverser et de réinventer le thriller moderne américain, la tenue visuelle et donc formelle de La théorie des dominos paraît vraiment insipide et sans consistance en comparaison des oeuvres des cinéastes précités. Le point de vue à une importance considérable dans l’écriture cinématographique des années 70 avec leur thématique sur la paranoïa et la théorie du complot. Ici, rien de tout ça. A part quelques dézoomes plutôt bien sentit (l’arrivée à San Fransisco par le célèbre pont ou encore la toute dernière scène sur la plage), le film ne possède aucun rythme, aucune ambiance, aucune intensité dramatique et enchaîne les séquences sans jamais proposer une atmosphère angoissante ou schizophrène. Ce n’est pas moche pour autant, mais la mise en scène est complètement anecdotique, s’en est déroutant !
Le gros intérêt du film résidait aussi dans la confrontation de deux acteurs de légende : Gene Hackman et Richard Widmark. Ces deux immenses acteurs interprètent très souvent des personnages peu reluisant dans des genres souvent sombre et noir. Mais encore une fois, la mise en scène n’iconise à aucun moment cette rencontre tout de même incroyable. Les dialogues d’une grande pauvreté ne leur permet même pas d’ajouter un peu de tension et de fièvre à leurs échanges. Avec le recul, je me rends compte tristement qu’il n’y a vraiment pas grand chose à sauver dans ce film !
La théorie des dominos a été d’un total ennui, mais j’ai du mal à le détester pour autant. Le scénario, très prometteur sur le papier, fonctionne malgré tout et file droit sans trop de mou mais sa fabrication le rend totalement impersonnel. La qualité du Blu-ray est par contre impeccable, dommage qu’il soit artistiquement si peu inspiré car le cachet visuel n’en paraît que plus insignifiant : la passion immodérée de Jean-Pierre Dionnet nous présentant le film ne me trompera point quant à la valeur intrinsèque du film, même si les anecdotes qu’il raconte sont très captivantes … elles !
___________________________________________________________________________
Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
BONUS : Présentation du film par Jean-Pierre Dionnet (10 min)
Retrouvez la chronique de La théorie des dominos sur le site CINETRAFIC.
BANDE ANNONCE :