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Allemagne, Canada, France, U.S.A – Drame – Date de sortie : 21 Mai 2014 – Durée : 01h51
Avec : Julianne Moore, John Cusack, Mia Wasikowska, Robert Pattinson
Résumé : A Hollywood, la ville des rêves, se télescopent les étoiles : Benjie, 13 ans et déjà star; son père, Sanford Weiss, auteur à succès et coach des célébrités; sa cliente, la belle Havana Segrand, qu’il aide à se réaliser en tant que femme et actrice.
La capitale du Cinéma promet aussi le bonheur sur pellicule et papier glacé à ceux qui tentent de rejoindre les étoiles: Agatha, une jeune fille devenue, à peine débarquée, l’assistante d’Havana et le séduisant chauffeur de limousine avec lequel elle se lie, Jerome Fontana, qui aspire à la célébrité. Mais alors, pourquoi dit-on qu’Hollywood est la ville des vices et des névroses, des incestes et des jalousies ? La ville des rêves fait revivre les fantômes et promet surtout le déchaînement des pulsions et l’odeur du sang.
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AVIS : Après Noé de Darren Aronofsky, voilà l’autre film que j’attendais avec engouement cette année. Car David Cronenberg est à mes yeux l’un des plus grands cinéastes contemporains donc, quand sort un de ses films, je suis conquis d’avance avant même d’entrée dans la salle, en sachant très bien que je ne serais pas déçu de la séance ! Si Maps to the Stars ne m’a pas totalement fasciné comme tant d’autres, le style visuel du cinéaste et ses thématiques sur l’aliénation mentale n’ont en revanche jamais autant été présente.
Mais ici, point d’étrangeté ou d’outrance dans sa scénographie si ce n’est dans quelques fulgurances ou le surnaturel côtoie la folie douce. Les fantômes du passé contaminent par moment les vivants et semblent d’ailleurs beaucoup plus humains et en paix qu’eux. Coté scénario, j’affectionne particulièrement ce genre de récit ou le spectateur ignore tout des personnages dans les premières scènes et c’est au fur et à mesure que s’écoule l’histoire qu’on prend conscience de ce qu’il s’est passé entre eux. La tragédie qui prend alors forme sous nos yeux m’a fait l’effet d’une bulle nauséabonde qui ne cesse de gonfler jusqu’à métaphoriquement exploser dans son plan final !
Cette vision fantasmatique et grotesque d’Hollywood par Cronenberg se reflète à travers ses protagonistes qui sont tous d’une noirceur effrayante et parfois vraiment détestable, notamment le jeune adolescent joué par Evan Bird. Mais on devine assez vite que le monstre véritable n’est personne d’autre qu’Hollywood elle même et non ses habitants. Ces derniers ne font que subir indirectement ses lois injustes et démiurgiques qui déshumanisent ses âmes, broyant les liens sociaux jusqu’à la moelle, sans possibilité de retour à une vie normale ou à une quelconque rédemption.
D’ailleurs, le génie de Cronenberg s’incarne dans sa mise en scène dépouillée à l’extrême (esthétiquement, je parlerais même d’anti-cinéma) ou la luminosité terne et blafarde reflète le manque d’humanité des personnages et le pouvoir infectieux de la ville … Et ce n’est pas l’invocation du poème de Paul Eluard, Liberté, qui les sauvera de l’emprise de la ville maléfique.
Dur à digérer, ce portrait peu reluisant de la capitale du cinéma prouve que le cinéaste canadien évolue toujours dans la marge qu’il a édifié et à encore et toujours des choses à dire. Si certaines scènes m’ont paru loupé, il continue quarante ans après ses débuts à me surprendre, me dérouter et à m’émouvoir. Se renouvellant sans cesse, très peu de réalisateur de sa génération peuvent se targuer d’avoir une filmographie aussi riche et cohérente que la sienne ! Vivement le prochain …
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
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