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Origine : France, U.S.A. – Genre : Thriller, horreur (01h29min) – Date de sortie : 02/01/2013
Avec : Elijah Wood, Nora Arnezeder, America Olivo
Résumé : Dans les rues qu’on croyait tranquilles, un tueur en série en quête de scalps se remet en chasse. Frank est le timide propriétaire d’une boutique de mannequins. Sa vie prend un nouveau tournant quand Anna, une jeune artiste, vient lui demander de l’aide.
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MANIAC – Je vous trouve très belle
Remake du film du même nom interprété par Joe spinell et réalisé par William Lustig en 1980, l’équipe de Alexandre Aja au commande de ce projet (Thomas Langman à la production, Gregory Levasseur en co-scénariste et Franck Khalfoun à la réalisation) réussit leur pari d’offrir un nouveau regard sur la psychologie d’un maniac sexuel.
Là ou le premier misait sur une approche réaliste, intimiste et graphique – W. Lustig optait en effet pour une démarche quasi sociologique pour traiter la frustration sexuel – A. Aja et ses collaborateurs ont misé sur une démarche artistique encore plus frontale et gore, à la limite du supportable pour les scènes les plus violentes. Ainsi, la caméra n’est plus l’oeil objectif qui scrute le quotidien du personnage principal mais l’oeil subjectif par lequel Frank – le personnage principal – regarde le monde, créant une proximité intime et dérangeante entre le tueur/spectateur et sa victime mais aussi entre lui et le monde qu’il perçoit.
La fidélité au matériau original est la grande qualité de ce remake. Et le principal tour de force du film est de parfaitement réussir à nous faire voir et ressentir ce qu’un détraqué sexuel éprouve quand il observe le monde à travers ses obsessions. En témoigne la toute première scène. La nuit est tombé et Frank, à bord de sa voiture, distingue au loin sa proie qu’il a déjà traqué et étudié. Il la suivra jusqu’à son palier pour la tuer froidement d’un coup de couteau lui traversant violemment le visage de bas en haut à bout de bras des yeux du spectateur, annonçant ainsi la couleur du métrage et son lot futur de frissons et de violences extrêmes.
Comme dans les giallos, dont Maniac (celui ci comme l’original) emprunte beaucoup les codes, la femme incarne un objet charnel érotique et désiré, et les sentiments, qui n’ont pas leur place dans la vie de Frank, l’agressent psychiquement et organiquement. Dès lors, toutes les discussions évoquant ses ressentis – sa part humaine finalement – dans les espaces publics, auront pour conséquence la matérialisation de ses obsessions et traumatismes les plus profonds.
Lors de son premier rendez vous dans un restaurant, alors que la fille évoque très naturellement leurs relations amoureuses passées, Frank verra son sentiment de culpabilité se manifester à travers les regards accusateurs et sentencieux des clients qui soudainement se tournent dans sa direction et semblent comprendre ses intentions criminelles. Mais tout ceci n’est bien sûre qu’un fantasme, une projection de son surmoi qui l’épie et le torture du fin fond de son inconscient.
Il en va de même pour cette scène où, dans un parc, des piaillements d’oiseaux deviennent de plus en plus insupportable à ses oreilles à mesure que les rapports entre lui et Anna se font plus intimes. Un mal de tête épouvantable l’étreint alors et il devra l’abandonner précipitamment afin de se soigner dans une pharmacie.
Frank, lui même prisonnier de son corps, obéit à des pulsions aussi sauvages qu’expiatoires et le spectateur, pris en otage et privé de toute distanciation, ressent à la fois son impuissance et son besoin frénétique d’assouvir cette pulsion primaire qui est son unique raison de vivre. Cette mise en scène axée sur la sensation et le sensoriel est indiscutablement réussit. Car on ressent à tous les instant que son être entier est incapable de gérer et d’intégrer une quelconque humanité.
Ainsi, ces corps féminins ne sont là que pour assouvir sa soif vampirique inextinguible et la société représente pour lui, et pour nous, une jungle hostile et oppressante qui l’empêche d’accomplir son triste but : scalper les femmes qu’il traque afin de reproduire, dans son antre, la perfection féminine incarné par des mannequins de plastique, toutes pourvues de la chevelure de ces victimes qu’il arrache rituellement. Frank peut projeter ainsi tout son amour sur ses idoles, symbole de sa sexualité refoulé et de son humanité perdu, clairement déclenché par sa mère morte qui menait une vie de débauche sous ses yeux d’enfant.
Seulement voilà, l’histoire avance et tout devient trop mécanique. Les bonnes idées, qui impressionnaient le temps de deux bobines, finissent un peu par lasser et seules les scènes violentes, avec son lot de coup de couteaux et scalps en tout genre, capteront mon attention jusqu’à la fin du film : saluons au passage le travail exceptionnel de KNB et leurs effets spéciaux aussi réalistes qu’époustouflants qui sidèrent à chaque fois.
Car aussi réussit soit il esthétiquement, les références – conscientes ou non – à d’autres films sont assez nombreuses. Je pense surtout à La femme défendue de Philippe Harel, romance dont la particularité était déjà de nous raconter une histoire en vue subjective, mais dans un tout autre genre, certes. Mais aussi à Into the void quand Frank se passe la main sur les paupières face à un miroir et que l’effet se fait ressentir visuellement mais aussi ces courtes scènes ou il semble sortir de son corps comme le personnage principal du long métrage de Gaspar Noé.
Au final, même si j’ai apprécié la démarche artistique, j’ai trouvé le film un peu prétentieux et démonstratif car la plupart des idées et procédés avaient été exploité dans bien d’autres métrages avant celui ci, et à la longue, toutes ces influences se font un peu trop ressentir. Mais comme je le disais, le film rend un bon hommage à l’original tout en s’en éloignant dans la forme. Soulignons aussi que le film possède une très belle photographie aussi précise que contrasté et contribue grandement à la beauté plastique du métrage et une chouette bande originale qui rappelle les années 80. Pour cela, Franck Khalfoun et Alexandre Aja peuvent être fier de leur travail.
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
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