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U.S.A. – Action, space opera, aventure, romance – Date de sortie : 04/02/2015 – Titre original : JUPITER ASCENDING
Avec : Channing Tatum, Mila Kunis, Sean Bean, Eddie Redmayne
Résumé : Née sous un ciel étoilé, Jupiter Jones est promise à un destin hors du commun. Devenue adulte, elle a la tête dans les étoiles, mais enchaîne les coups durs et n’a d’autre perspective que de gagner sa vie en nettoyant des toilettes. Ce n’est que lorsque Caine, ancien chasseur militaire génétiquement modifié, débarque sur Terre pour retrouver sa trace que Jupiter commence à entrevoir le destin qui l’attend depuis toujours : grâce à son empreinte génétique, elle doit bénéficier d’un héritage extraordinaire qui pourrait bien bouleverser l’équilibre du cosmos …
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JUPITER ASCENDING – Un dernier désespoir …
Après avoir renouvelé le genre avec Cloud Atlas, film au concept ambitieux et radical qui transfigurait l’idée qu’on se faisait du blockbuster, je suis assez peiné de voir le duo Wachowski louper le coche avec ce space opera baroque et barré qui n’emporte jamais le spectateur dans les étoiles. Grossier, condensé et naïf dans la forme, leur imaginaire et l’amour qu’ils portent au cinéma de genre est paradoxalement sans arrêt phagocyté par la lourdeur avec laquelle ils assènent leur soit disant générosité. L’infantilité déconcertante qui découle de leur geste se synthétise autant dans la caractérisation des personnages que dans le récit explicatif à l’écoeurement dans les scènes de dialogues, rythmées, heureusement, de temps à autre par des scènes d’actions assez divertissantes qui permettent de ne pas s’ennuyer totalement.
Si les 175 millions de dollars dépensés sont bel et bien visibles à l’écran, on se demande comment les cinéastes créateurs du culte Matrix ont pu pondre un ‘truc’ aussi bancal et grotesque dans son montage et prévisible et soporifique dans son écriture. Si les premières vingt minutes posent les bases de l’histoire à venir, on sera hélas vite lassé de tous ces rebondissement qui ne passionnent jamais. Ce n’est jamais fun, ça manque de souffle et on se fout royalement de tout ce petit monde qui se court sans arrêt après.
La volonté des cinéastes d’ériger un univers SF foisonnant et référentiel (on pense quand même beaucoup à Star Wars et à bien d’autres films comme Blade Runner sur certains plans et cadrages) ne convainc pas une seule seconde à cause de quelques défauts d’une taille astrale : le coté pastiche assumé, le récit ultra codifié et les nombreux clins d’oeils (Brazil de Terry Gilliam, ce dernier fait même une courte apparition) occupent une place primordiale là ou ils auraient du être au second plan. Du coup, on suit des séquences sans substance et sans saveur dégoulinant de beaux et bons sentiments (mais pas que car il y a aussi des méchants !), et on se demande si la scène d’après sera d’aussi mauvais goût que celle que nous découvrons … De ce coté là, le film sera plutôt cohérent et tiendra toutes ses promesses …
Il y a beau avoir un potentiel énorme sur l’univers présenté, les enjeux dramatiques autour de la quête de la jeunesse éternel (1) et de l’exploitation des humains par une race supérieure, les Wachowski se contentent d’élaborer dans leur scénario, comme à leur habitude, une énième déclinaison d’un type d’histoire que l’on connaît tous : l’aventure messianique ou un personnage lambda découvrira qu’il a une destinée de héros – ici, Jupiter – accouplée à une histoire d’amour avec ses travers et ses rebondissements. Vite lassé par le mécanisme binaire de l’intrigue, les personnages écrits à la truelle enfoncent le clou et désamorcent définitivement toute implication émotionnelle !
Il est strictement impossible de s’attacher à eux et je suis sidéré par le cabotinage de certains, la palme du ridicule revenant à Eddie Redmayne en Balem Abrasax qui surjoue chaque mot de chaque réplique ! Et concernant les protagonistes, c’est quand même regrettable de voir ce duo d’acteurs – Mila Kunis et Channing Tatum – s’engouffrer dans de telles caricatures car ils vont, dans l’absolu, plutôt bien ensemble. S’ils ont le physique de l’emploi, ils ne sont malheureusement jamais dirigés et ça se ressent beaucoup trop souvent.
Superficielle au possible, leur relation est un peu à l’image de ce montage pataud qui use souvent d’ellipses maladroites et barbares. On a l’impression que la durée du film a été réduite à son minimum parce qu’avec tous ces personnages, les cinéastes ont certainement du écrire une fresque bien plus longue que celle que l’on a à l’écran. Résultat des courses, on tente de nous faire boire une soupe opera abondamment épicée de stéréotypes du cinéma de genre et populaire (romance, action, récit d’aventure, parodie, tragédie, etc), en faisant fi de l’art de la cuisson et de l’assaisonnement.
Si charcutage il y a eu, cette version ne rend en tout cas pas hommage à la mythologie qu’ils tentent de nous offrir si généreusement. Mythologie farfelue et déconcertante qui mélangent paysage terrestre, technologie de science fiction, villes extra-planétaires chamarrées aux design futuristes ou exotiques, décors aux architectures romaines, gothiques ou de la renaissance suivant le lieu ou l’on se trouve, costumes et coiffures sophistiqués et excentriques à l’excès, ornementation typée art déco sur certains vaisseaux et bestiaire extraterrestre improbable à base de reptiles ailés et races hybrides entre humains et animaux.
Je suis plus que mitigé face à cet imaginaire kitsch et volontairement extravagant qui, comme tout le reste, ne convainc pas des masses. On aimerait tellement s’amuser autant qu’ils ont du s’amuser à le réaliser – je n’en doute pas, mais le manque de cohérence, de personnalité, d’épaisseur psychologique pour les personnages et de rigueur narrative empêchent toute alchimie possible.
Le monde sous nos yeux est beaucoup trop riche et dense pour être expédier en tout juste deux heures. Jamais les cinéastes ne prennent le temps de développer l’aspect littéraire et romanesque de leur métrage : la présentation et les motivations de chaque personnage est sommaire et bâclé, et toute la dimension politique, historique et tragique qui entoure les Abrasax est à peine esquissée, si bien qu’on ne se sent jamais menacé ou impressionné par leur puissance, et encore moins inquiété ou investit émotionnellement par les conflits qui existent entre eux !
De plus, trop conscient de ses effets et de sa volonté de mixer des cultures, des symboles, des mythes et des contes (Jupiter est aussi une figure de Cendrillon) d’horizons différents, Jupiter Ascending ne parvient jamais à s’imposer comme un objet de fascination ou plus humblement comme une sympathique pépite filmique décomplexée de pur fantasy : contrairement à Matrix ou Cloud Atlas, les Wachowski n’ont pas su trouver le bon ton, la bonne formule pour donner vie à leur monde féticho-mosaïquo-numérique. Ce spectacle épique, cosmique et halluciné, pur produit de la pop-culture, est certes traversé de milles influences mais sa facture complètement anecdotique ne lui permettra pas d’entrer dans la famille des ‘films cultes’.
A moins de le redécouvrir dans un director’s cut digne de ce nom et lui laisser ainsi une seconde chance, je n’ai pu me contenter, dans cette version ciné, que de la qualité des effets spéciaux, de certaines scènes d’actions (magnifique course-poursuite aérienne dans la ville de Chicago) et de quelques plans esthétiquement intéressants pour ne pas rejeter complètement le film. Et je me demande bien vers quel projet vont se tourner les cinéastes car je ne vois pas du tout Jupiter Ascending avoir un succès à l’international, même si je lui souhaite tout le contraire : même raté, le film à la mérite d’être touchant et de proposer quelque chose d’originale.
Cette oeuvre est sensée être la première d’une saga mais je ne vois pas comment elle peut concurrencer les Star Wars à venir (qui, rappelons le, s’en inspire déjà allègrement !), ainsi que les suites d’Avatar de James Cameron prévu pour fin 2017. Dans un genre similaire, même le récent Gardiens de la galaxie de James Gunn – une des grosses surprises de l’année dernière – fait passer le travail des Wachowski pour des amateurs geeks de seconde zone. En résumé, Jupiter Ascending satisfera à n’en point douté les moins de seize ans qui n’ont vu aucun film des cinéastes … Pour tous les autres, mieux vaut se contenter de retourner dans la matrice !
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
(1) – le temps est d’ailleurs un élément narratif ou de motivation cher aux cinéastes : Cloud Atlas, leur précédent métrage, développe un rapport évident avec le temps dans son montage cyclique et vertigineux.
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