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France – Romance, drame – Date de sortie : 19/08/2015
Avec : Cécile de France, Izïa Higelin, Noémie Lvovsky, Kévin Azaïs, Laetitia Dosch
Résumé : 1971. Delphine, fille de paysans, monte à Paris pour s’émanciper du carcan familial et gagner son indépendance financière. Carole est parisienne. En couple avec Manuel, elle vit activement les débuts du féminisme. Lorsque Delphine et Carole se rencontrent, leur histoire d’amour fait basculer leurs vies.
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LA BELLE SAISON – Delphine est une couleur chaude …
Il était une fois un film qui n’avait aucune exposition médiatique et qui pourtant possédait toutes les qualités d’une grande oeuvre. Si la présence de Cécile de France et de Noémie Lvovsky aurait pu me mettre la puce à l’oreille, jamais je n’aurais imaginé prendre autant de plaisir devant la séance de ce film qui mériterait, il faut bien l’avouer, qu’on parle davantage de lui. Noyé sous les blockbusters U.S. estivaux, c’est le pire poison dont puisse souffrir un tel film !
A la fois manifeste féministe et film de rencontre, l’oeuvre de Corsini (Partir, Trois mondes, Les ambitieux … et c’est le premier film que je vois de cette cinéaste française) est d’une justesse folle dans sa manière de décrire les relations humaines, ne tombe jamais dans la caricature et s’amuse même avec les clichés, tout en étant d’une grande subtilité dans les dialogues et l’écriture, au point de carrément sublimer le film de romance. Qualifiant elle même son film de ‘Brockback Mountain au féminin‘, il faut aussi souligner à quel point il y a un vrai regard sociologique dans sa manière de retranscrire les événements de la France du début des années 70.
En effet, les thématiques foisonnantes et les sujets complexes qui sont abordés à savoir la sexualité féminine, l’émancipation des individus, le mode du vie urbain en opposition au mode de vie rural, le syndicalisme et la pensée collectiviste naissante, le portrait et le statut des femmes en cette période post68, l’avancé de l’état de droit contre le modèle (joug ?) patriarcal, sont toujours en arrière plan et ne viennent jamais alourdir le récit d’une fluidité incroyable et qui laisse la part belle à ses personnages.
Au milieu de ce monde en pleine mutation, Delphine (Izïa Higelain) et Carole (Cécile de France) se rencontrent un peu par hasard et leur relation vont se complexifier au point de les transformer et de changer leur vie, que se soit sentimentalement, professionnellement et donc humainement.
La grande force de La belle saison vient de toutes ses interactions ou se mélangent à la fois l’envie des héroïnes de s’émanciper, de rechercher le bonheur, de s’offrir coeur et âme avec son amoureuse/son amante, tout en se questionnant sur le devoir familiale et la responsabilité (pour le personnage de Delphine … devoir qui n’est pas rien, surtout dans le monde paysan !), sur notre nature profonde – comprendre et savoir d’ou l’on vient et ou l’on va, et la volonté et le besoin de s’affirmer afin de trouver sa voie sans y laisser trop de plume (même s’il le faut parfois !) et encore moins se laisser influencer par le regard et les préjugés de « l’autre », cet autre n’étant même jamais diaboliser.
Sans révolutionner le septième art, la subtilité et la reconstitution des échanges ainsi que la justesse et le talent d’observateur des auteurs sont clairement la grande qualité de ce film ! C’est fascinant à quel point la cinéaste refuse toute posture pour simplement nous conter une romance avec ses codes et ses enjeux. Avec le recul, on pourrait méditer sur de nombreuses scènes tant elles convoquent avec brio et simplicité la complexité du ‘vivre ensemble’, ainsi que les conséquences que peut avoir nos actes et nos choix sur la vie des autres. Les acteurs sont d’ailleurs tous d’une affolante authenticité, on se sent proche de toutes les personnes.
Je ne sais pas si c’est moi, mais je trouve qu’Izïa Higelin a d’ailleurs des faux airs d’Adèle Exarchopoulos – elles possèdent la même sensualité brut et une allure à la fois sauvage et décontractée – et il est donc très tentant de comparer La belle saison à La vie d’Adèle avec qui le film partage d’évidents points communs. Personnellement, je préfère de loin la forme et les intentions de Corsini qui laisse son histoire s’épanouir le plus naturellement du monde, au point de totalement s’effacer derrière son sujet.
Quant à Cécile de France, énergique, sensible, lumineuse et engagée, et Noémie Lvovsky, sobre mais entière, taiseuse mais lucide, elles continuent de m’émerveiller et de m’impressionner par leur jeu toute en nuance et en finesse. Au final, je suis vraiment admiratif devant cette petite histoire qui raconte de grandes choses : j’ai d’ailleurs déjà très hâte de le revoir. Bref, une vraie surprise !
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
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