U.S.A., UK – Romance, drame – Date de sortie : 03/06/2015 – Durée : 01h59 – titre original : FAR FROM THE MADDING CROWD
Avec : Carey Mulligan, Matthias Schoenaerts, Michael Sheen, Juno Temple
Résumé : Dans la campagne anglaise de l’époque victorienne, une jeune héritière, Bathsheba Everdeene doit diriger la ferme léguée par son oncle. Femme belle et libre, elle veut s’assumer seule et sans mari, ce qui n’est pas au goût de tous à commencer par ses ouvriers. Bathsheba ne se mariera qu’une fois amoureuse. Qu’à cela ne tienne, elle se fait courtiser par trois hommes, le berger Gabriel Oake, le riche voisin Mr Boldwood et le Sergent Troy.
Cette oeuvre émouvante du cinéaste danois Thomas Vinterberg, reconnu pour être le fondateur avec Lars von Trier du Dogme95, est un brillant hommage à un pan de son cinéma nordique : difficile, en effet, de ne pas penser au somptueux et dépouillé Elvira Madigan de Bo Wilderberg qui composait lui aussi un romantisme naturaliste tout à fait saisissant. La captation et le travail sur la lumière naturelle et la précision des cadrages sont à la fois purs et éblouissants, me rappelant au passage que c’est d’abord et surtout ce cinéma là que j’aime et que je défends.
Les images de synthèses n’auront jamais cet impact sur moi, la mise en scène originelle, sensorielle et sentimentale de Vinterberg faisant écho à ce qu’il y a de plus viscéral et sensible chez l’être humain : sa stylisation porte un très beau récit intimiste au service de la passion et de la raison dans le décor de l’Angleterre victorienne et rurale du XIXème siècle.
J’ai aimé tous ces non-dits éloquents et puissants aussi importants et essentiels que ces dialogues profonds et troublants (parfois violent !), toujours dans cette volonté de montrer ce qu’il y a de noble et complexe en l’homme … et la femme ! Carey Mulligan commence d’ailleurs à gagner en maturité : son visage, dont les traits sont moins doux qu’avant (son côté poupon et fragile ne me fascinait guère jusqu’à présent), sied à merveille à son personnage. Comme dans l’un de ses précédents films (Shamede Steve McQueen), on la verra pousser la chansonnette le temps d’une scène particulièrement belle et émouvante, accompagné par l’un de ses prétendants qui posera une voix grave et chaude sur son timbre clair, fluet et limpide.
Finalement, Loin de la foule déchaînée nous rappelle à quel point ces gens là nous ressemblent beaucoup dans leur manière d’essayer d’exprimer leurs nombreux tourments, désirs et interrogations qui les animent. Mais je ne dirais rien de plus … C’est une oeuvre à voir, à écouter, à ressentir, à éprouver, à réfléchir, à méditer, et il serait dommage de passer à côté d’un film qui exalte avec autant de justesse et de simplicité notre nature profonde.
Le seul reproche à faire viendrait peut être de l’histoire elle même qui manque d’ampleur, d’enjeux dramatique plus passionnant et de densité romanesque : plutôt centrée sur ses personnages – la caméra sait parfaitement s’effacer derrière eux, la frugalité du récit l’empêchera sûrement de résister à une seconde vision.
Origine : U.S.A., UK (2014) – Genre : Horreur, mystère – Durée : 01h31
Avec : Jared Harris, Olivia Cooke, Sam Claffin, Erin Richards
Résumé : Inspiré de faits réels, The Quiet Ones raconte l’histoire d’un professeur orthodoxe qui utilise des méthodes controversées et se sert de ses meilleurs élèves pour tenter une dangereuse expérience.
AVIS: La Hammer, prestigieux studio anglais qui connu son heure de gloire de la fin des années 50 aux début des années 80, n’arrivera décidément pas à renaître de ses cendres quand on découvre cette production complètement anodine et, surtout, très éloigné esthétiquement des oeuvres qui ont fait sa réputation. Après le trop moyen mais élégant La dame en noire (2012) de James Watkins, la boîte essaye tant bien que mal avec ces Âmes silencieuses de concurrencer la production actuelle en misant à la fois sur un scénario tiré de faits réels, mais aussi sur des partis pris de mise en scène qui abusera du found footage (1) au final pas tellement nécessaire et pertinente à l’intrigue.
L’atmosphère et le ton très réaliste misent d’abord sur ces personnages. Si les quinze premières minutes permettent de plus ou moins présenter chacun des cinq protagonistes, le glas retentira dès qu’ils franchiront les portes du manoir pour faire leurs expériences paranormales sur cette pauvre Jane Harper (Olivia Cooke) souffrante de désordre mental et psychiquement très fragile et instable … forcément !
Dès le début, on devine très vite que le professeur Coupland est louche avec ses petites manières arrogantes et son discours pseudo-scientifiques et maniaco-rationnels. De plus, on apprendra aussi qu’il est très proche de son assistante Krissi ainsi que du sujet Jane Harper à qui il témoigne une affection tout à fait ambivalente et pernicieuse.
S’il m’a été impossible de pénétrer dans cette histoire dépourvue de toute accroche réelle et d’enjeux passionnants, je tente de percevoir un geste dans le récit qui essaye de semer le trouble et de développer un certain mystère autour du personnage de Jane et du professeur. Quand on découvre les liaisons secrètes de certains personnages, la jalousie et la parano parviennent à créer quelques moments de tension et, parfois, j’avoue m’être prêté au jeu en me demandant si ces relations électriques se tisseraient diaboliquement autour de l’intrigue horrifique. Avais-je raison ?
Nenni ! Si Coupland joué par l’impeccable Jared Harris (Sherlock Holmes 2, Lincoln, Madmen, etc), clairement le meilleur acteur du film, est peut être le seul de la troupe à susciter un intérêt, il est strictement impossible de suivre cette histoire complètement incohérente et illogique au possible autant dans les données des informations que dans le déroulement des événements. On verra donc la patiente soit disant dangereuse faire joujou près de la mare sans personne pour veiller sur elle (ah si, Brian, qui s’en amourache, la filme au cas ou elle tombe à l’eau !) et une scène de coupure d’électricité en pleine nuit, avec notre cinéaste en herbe qui, caméra au poing, court de l’extérieur et l’intérieur de la maison sans qu’on sache d’où il vienne et sans qu’on sache ou il aille en s’agitant de la sorte !
Finalement, c’est bel et bien cette succession affolante de mauvaises idées qui pullulent le métrage du début à la fin qui fera réellement peur ! L’autre grosse frustration, la réalisation apathique, tremblotante et hasardeuse qui ne viendra jamais relever le niveau. Johne Pogue, responsable à la fois du scénario et de la mise en scène pour la seconde fois de sa carrière (sa première expérience aux deux postes est En quarantaine 2, le bonhomme s’étant d’abord distingué en tant que scénariste … sic), compile et enchaîne les codes du genre sans jamais insuffler un quelconque malaise, ni travailler ses ambiances, la composition de ces plans ou utiliser la profondeur de champ : jamais le cinéaste ne tentera de styliser un minimum les scènes charnières qui sont censées effrayer ou bien celles qui impliquent des révélations importantes.
La seule chose qui à l’air de l’amuser, c’est de filmer des portes qui s’ouvrent, des escaliers vides dans la pénombre ou les quelques déambulations de Brian dans les couloirs de la maison … Toutes sortes d’éléments et de décors familiers qui n’apportent non seulement rien au récit, mais dont la volonté consciente et peu subtil se traduit surtout par « regarde spectateur, tu es dans un film d’horreur ! Treeeeemble ! » en ne parvenant jamais à focaliser sa caméra sur quelque chose de concret ou captivant : silencieuse ou pas, si esthétiquement il n’y a pas de corps, il ne peut y avoir d’âme. N’ayant aucune matière à laquelle nous attacher, on se rendra vite à l’évidence que le film n’a rien à montrer en plus de n’avoir rien à dire. Le final pathétique résume à lui tout seul toutes les intentions foireuses des scénaristes !
Pourtant, quand arrive la dernière partie, on imagine ce que le film aurait pu être s’il avait été confié à des gens compétents et soucieux du détail. Mélanger le côté scientifique et psychiatrique avec le fantastique n’est en soit pas nouveau, mais avec cette histoire de femme possédée confrontée à l’obsession du scientifique qui soutient mordicus que sa patiente délire simplement et qu’il n’y à rien de surnaturel dans son comportement, on entrevoit alors un potentiel inexploité et une matière intéressante à développer entre les trois personnages du scientifique aveuglé par ses travaux, de la patiente soumise et du jeune cinéaste épris de Jane.
Mais bon voilà, avec son traitement naturaliste et son recyclage mythologique, Les âmes silencieuses n’offre pas tellement de scènes vraiment chocs et c’est là finalement son plus grand défaut. La seule scène ou le premier élément horrifique fait son apparition avec cette énorme langue visqueuse et serpentine qui sort soudainement de la bouche de Jane surprend et subjugue, certes, le temps d’une seconde. Mais aucun des personnages ne semblent vraiment inquiets ou perturbés … Quand ils reviennent sur cet événement marquant la scène d’après, le bellâtre Harry ironisera en lançant un « ouais, un truc sorti de l’Exorciste ! » sans être un temps soit peu traumatisé par ce qu’il vient de vivre.
S’il plane quelque fois un parfum de mystère sur sa manière de flirter avec plusieurs genres, jusqu’à proposer une relecture presque attachante de La maison du diable (1963) de Robert Wise (mais tout en singeant allègrement L’exorciste 1 et 2 !), j’oublierais pour ma part très vite cette énième déclinaison de film de possession. Même la délicieuse et inquiétante Olivia Cooke (découvert dans le très beau mais imparfait The Signal de William Eubank), prêtant son visage lunaire et fiévreux à un personnage qui lui va à merveille, ne parviendra pas à sauver son interprétation dans cette production fastidieuse qui n’a clairement aucune personnalité.
Ayant connu un four dès sa sortie salle en Angleterre, mais tout de même sélectionné au Festival de Gerardmer 2015 (dans la catégorie Hors Compétition), Les âmes silencieuses sera directement distribué en dvd en France sans passer par la case cinéma. Finalement, seule l’une des affiches (2) permettra d’attiser notre imaginaire et d’évoquer un lot d’émotions bien supérieur à la totalité des images et des scènes du film : ça fout vraiment les j’tons quand je pense à cela, tient !
(1) – Genre cinématographique utilisant le point de vue subjectif, recherchant une véracité et une authenticité de l’événement via des images prises sur le vif, procédé très utilisé dans le cinéma d’horreur ces dernières années (Blair Witch, Rec, Cloverfield, etc) .
Britannique – Science fiction, thriller, mystère – Durée : 01h48 – Date de sortie : 25/06/2014
Avec : Scarlett Johansson, Jeremy McWilliams, Lynsey Taylor Mackay
Résumé : En Ecosse, au volant d’une camionette, Laura, une extraterrestre d’apparence humaine, vêtue d’une fourrure, séduit des hommes. S’étant assurée qu’ils vivent seuls, elle les fait monter dans son véhicule. Elle les entraîne dans une maison sordide où elle les incite à se dénuder. Tandis qu’ils s’avancent vers elle et qu’elle recule, ils s’enfoncent et disparaissent peu à peu dans le sol devenu liquide. Leur dépouille va servir à donner apparence humaine à d’autres créatures. Laura reste impassible.
Avant d’écrire et mettre en scène ses propres long-métrages, l’anglais Jonathan Glazer s’est d’abord taillé une solide réputation de réalisateur de clips et de publicités dans les années 90. Il a notamment travaillé avec Massive Attak (Karmokoma), Blur (The universal), Jamiroquai (Virtual Insanity), RadioHead (Karma Police), Nick Cave (Into my arms) ou encore UNKLE (Rabbit in your headlights). La collection Director’s Label : The work of director avait d’ailleurs sortit au début des années 2000 une édifiante série de DVD compilant sur support numérique ses meilleurs travaux (à l’instar de Michel Gondry, Spike Jonze ou encore Anton Corbijn).
On doit également à Jonathan Glazer des publicités cultes qui sont encore dans les mémoires : Odyssey et Kung fu pour la marque Levi’s pour ne citer qu’elles car les marques Sony, Nike, Barclaysou encore Guinnessont elles aussi fait appel au talent du britannique dans la même période. Se cherchant un style tout en se perfectionnant techniquement, il développera au fil des ans une esthétique de la sidération qui consiste à saisir les expressions de visages et les textures de la peau avec des plans serrés et un jeu de lumière sophistiqué et hyper contrasté.
Glazer s’épanouira surtout avec son second film Birth, film de 2004 (son premier étant Sexy beast réalisé en 2000), ou Nicole Kidman s’éprend d’un jeune garçon de dix ans qui prétendra être la réincarnation de son mari défunt. Avec ce thriller fantastique et psychologique, qu’il a co-écrit avec le pluridisciplinaire Jean Claude Carrière (Belle de jour, La piscine, Le tambour, Le retour de Martin Guerre, Cyrano de Bergerac, etc), Glazer n’abandonnera pas totalement l’influence de Stanley Kubrick dont l’ombre était déjà perceptible sur certains de ses clips. Le plan séquence du début de Birthcomme les lumières chaudes et monochromes des intérieurs reproduisaient avec élégance les ambiances de Shining et Eyes Wide Shut : Kidman a d’ailleurs jouée dans ce dernier et ce n’est pas un hasard !
Sans afficher outrageusement l’amour qu’il portait au maître, Jonathan Glazer a su intelligemment puiser dans ses oeuvres sans en faire non plus l’attraction principale de son film. En s’appliquant méticuleusement à saisir toutes les émotions de ses personnages dans un montage hypnotique et lymphatique, Glazer s’était enfin affirmé comme cinéaste-auteur en gagnant quelques prix et la critique était elle aussi tombée sous le charme de Birth et de la prestation de Nicole Kidman qui, depuis ce film, n’a plus eu d’aussi beau rôle !
Jonathan Glazer patienta presque une décennie pour réunir les fonds nécessaire afin de garder un contrôle total sur son troisième film. Après plusieurs années d’intense labeur et de multiples réécriture pour adapter à l’écran le livre de Michel Faber, le cinéaste ne retiendra au final qu’une partie de l’intrigue préférant centrer son récit sur la solitude et l’humanisation de son protagoniste. Mais si son talent de technicien de l’image n’est toujours pas à contester, je trouve sa nouvelle oeuvre un peu en dessous de son précédent et j’ai donc été, sur le coup, un peu déçu …
On a vraiment l’impression qu’Under The Skin se cherche en même temps qu’il essaye de s’imposer comme une évidence aux yeux du spectateur. Habité par une volonté d’être un film ‘autre’, le film essaye tant bien que mal d’exercer un pouvoir de fascination sans parvenir à captiver nos sens du début à la fin, même si parfois des scènes m’ont littéralement scotché par leur beauté plastique. L’incroyable utilisation du son et le score aussi étrange que lancinant de Mica Levi (1) procurent par contre une sensation étourdissante et troublante, et sont vraiment en phase avec les images.
Mais à part quelques coups d’éclat et l’envie du cinéaste de trancher sévèrement avec la production actuelle, je trouve qu’il a un peu de mal à maîtriser tous les aspects de sa mise en scène. Le montage alterne par exemple des plans cadrés sur les visages et dépouillé à l’extrême avec une image granuleuse façon caméra cachée (2) et les opposent à des plans aux décors surréels et artys hyper léchés qui tranchent radicalement avec les autres images ! Le mariage entre ces deux formes antinomiques essayent de trouver un équilibre autour du protagoniste qui vit concrètement sur deux mondes bien distincts, mais je n’ai jamais été convaincu par ce que je voyais à l’écran. Pendant toute la séance, j’ai eu alors cette étrange impression de voir plusieurs films en un, sans pour autant trouver le film repoussant.
Quand l’héroïne commence à s’humaniser au contact d’un garçon au visage difforme qui lui semble différent de ses autres proies (il n’est pas un humain monstrueux comme la plupart de ses victimes mais un monstre avec un coeur humain), Glazer commence alors à intégrer des images de la campagne écossaise pour illustrer les changements psychologiques de son personnage principal. Là encore, on sent le besoin du cinéaste de tenter des parti-pris esthétiques radicaux mais, trop confiant et conscient de ses effets, le rythme apathique et froid de la narration et la mise en scène voulant à tout prix exalter son sujet dans une certaine forme d’épure évocatrice et poétique, il ne parvient pas à mes yeux à faire une oeuvre cohérente et singulière.
Usant de la répétition, de cadrage figé et de symbolisme, Under the skin s’embourbe un peu trop dans une abstraction formelle chaotique, sans être cependant dénué de poésie et de grâce par instant fugace. Le film reste captivant et attachant car le parcours initiatique de l’extra-terrestre n’a aucune fausse note. Si visuellement il possède malgrès tout un charme certains qui n’appartient qu’à lui et si je n’ai pas adhéré à cent pour cent à l’oeuvre de Glazer, Scarlett Johansson était quant à elle l’actrice idéale pour ce rôle.
Alors qu’elle n’a prêté que sa ‘voix’ à Spike Jonze pour son inégal mais touchant Her, elle est d’abord et surtout un ‘corps’ chez Glazer ! Si les silences dominent le film de bout en bout, elle ne prononcera en tout et pour tout qu’une quinzaine de phrases pour embobiner les hommes qu’elle rencontre en les invitant à monter dans sa camionnette. Ses courbes affolantes et son physique transpirant de sensualité ne sont pourtant ici que la peau d’un extra-terrestre. Le corps que nous voyons à l’écran n’est donc qu’un masque séduisant et attirant qui cache un alien, un ‘autre’ que nous ne voyons pas.
Avec ce rôle, rarement le statut iconique de l’actrice aura trouvé une telle résonance avec le sujet et le fond d’un film ! C’est d’ailleurs vers cette lecture qu’il faut se pencher pour saisir toutes la richesse et les nuances de l’oeuvre. En acceptant de représenter simplement un corps à l’écran, ScarlettJohansson ose même apparaître totalement nue sans aucun artifice dès son apparition : seules quelques ombres viennent camoufler la rondeur de ses formes derrière ce fond blanc irradiant qui inhibe tout l’érotisme de la scène.
Le parcours initiatique de l’héroïne sera donc d’apprivoiser en même temps que d’accepter ce corps étranger qui deviendra le sien, en témoigne ses longues scènes ou elle s’observe dans un miroir en désirant être ‘autre’. Désormais étrangère aux siens, aux humains et à elle même, l’héroïne s’attache finalement à son enveloppe charnelle en rêvant de pouvoir être cet ‘autre’ qu’elle n’arrête pas d’observer. Mais tout ça n’est qu’illusion ! Elle ne pourra jamais être ce que lui renvoie sa nouvelle chair à laquelle elle s’identifie désormais puisqu’il lui est impossible d’ingurgiter de la nourriture humaine.
Cette deuxième partie du film, plus intimiste, plus minimaliste mais aussi plus tragique, est celle que j’ai préférée. Jonathan Glazer saisit avec plus de retenu et de simplicité toute l’intériorité du personnage. J’ai encore en mémoire ce magnifique plan ou l’héroïne s’endort paisiblement dans une cabane et, par un subtil effet de surimpression, nous la voyons se lover miraculeusement au coeur d’une forêt. J’avoue avoir ressentit un moment d’apaisement particulièrement émouvant : cette scène magique tient du merveilleux (photo en dessous) !
Scarlett Johansson, star hollywoodienne dans toute sa splendeur, aura enchaîné cette année deux films qui marqueront durablement sa filmographie car depuis Match Point (2005) de Woody Allen, jamais elle n’avait autant impressionné tout en cassant son image de blonde hyper sexualisée. Il aura fallu le talent de deux cinéastes de la même génération et qui ont, de plus, eut un parcours assez similaire pour exploiter assez intelligemment l’image de l’actrice ! Glazer en Jonze auront permis à la belle new-yorkaise de s’illustrer dans des rôles à la fois iconiques et iconoclastes et cette année 2014 sera décidément la sienne.
En mélangeant le récit de science fiction, la tragédie romantique et le thriller existentiel, Under the skin, film alien aux charmes imparfaits, sort clairement du lot et offre aux yeux du spectateur quelques images d’une grande force poétique qui resteront imprégnées dans sa mémoire. Si en sortant de la salle je n’ai pas eu l’impression de voir un grand film, je dois reconnaître que plusieurs jours après la séance, de nombreuses images me sont revenues en tête comme si le film avait pris son temps pour infuser complètement et en faire ressortir des jours après toutes ses saveurs et ses teneurs afin qu’elles s’épanouissent après coup dans mon esprit !
Mais quelle est donc cette étrange sensation qui germe peu à peu sous ma peau ?
(2) – Pour le film, le cinéaste et son équipe ont créé huit caméras uniques au monde que Scarlett portait tout le temps sur elle pour saisir les images en caméra cachée sans que les gens ne se doutent de rien. Au final, ils se sont retrouvés avec 270 heures de rushes ! (source : Ecran fantastique N°354)
U.S.A., Britannique – Action, fantasy, drame, aventure – Date de sortie : 21/05/2014 – Durée : 02h11
Avec : James McAvoy, Hugh Jackman, Jennifer Lawrence, Michael Fassbender
Résumé : Les mutants du monde entier sont traqués. Parqués. Exterminés. Tout comme ceux ayant voulu les aider. Les sentinelles, robots spécialement conçus pour venir à bout de ces méta-humains, se montrent sans pitié et chassent inlassablement tout porteur du gène X. Dans une ultime tentative pour sauver leur espèce et l’avenir du monde, les derniers membres des X-Men renvoient Wolverine au début des années 1970 afin qu’il réunisse Charles Xavier et Eric Lehnsherr, seuls capables d’empêcher le futur de se produire.
X-MEN : DAYS OF THE FUTURE PAST – Brothers in arms !
J’avoue être assez déçu de cet opus. Sans dire que je me suis ennuyé, j’ai eut cette étrange impression qu’on me répétait encore et toujours la même histoire centrée autour des mêmes conflits entre les personnages des deux camps au sein des X-men. Cet ultime épisode condense toutes les thématiques de la série pour clore une fois pour toute les aventures des super-héros les plus intéressants et les plus complexes du grand écran.
Tout d’abord, je trouve le film très mal dosé dans sa construction et son montage alterné entre le passé et le futur. Ce dernier occupe une place tellement minime que je n’ai jamais vraiment sentit les personnages en réel danger. La plupart des X-men du futur font un peu trop de la figuration et le récit ne revient pas assez sur cette équipe, les seuls survivants de leur espèce sur la terre (!?), qui font inexorablement face à leur destin funeste !
Là encore, j’ai eut énormément de mal à croire à ce futur car on se focalise beaucoup trop sur les scènes d’actions et pas assez sur leur solitude et leur détresse. L’introduction aurait mérité d’être un peu plus longue pour qu’on sente un peu plus la terreur des derniers jours à vivre. Bref, ce scénario Terminatoresque ne m’a jamais totalement convaincu et j’avoue n’avoir jamais ressentit autant de plaisir que dans les deux premiers opus qui, en terme de narration, était d’une plus grande rigueur et d’une fluidité sans faille (surtout le tout premier qui reste mon préféré !).
Visuellement, j’ai trouvé la mise en scène complètement inégale. J’ai vraiment du mal à croire que c’est le même cinéaste qui a fait les deux premiers X-men ! Dans ces premières oeuvres, il y avait beaucoup plus de maîtrise dans l’utilisation de l’espace et du découpage. A croire que le numérique nuit à son instinct de réalisateur car, dans ce Days of the future past, jamais Bryan Singer ne semble inspiré au regard de la composition des plans et des mouvements de caméra (je pense notamment à la séquence de la soirée dansante en France avec Raven et le vietnamien qui m’ont paru plate, fade et sans consistance).
Toute l’intrigue tourne donc autour de ces conflits maints fois exploités par le passé dont le but, cette fois, est de sauver l’humanité toute entière, avec un Magneto toujours aussi imprévisible quand il décide de se débarrasser de Mystique sans concerter les autres. Cela, je l’avoue, redonne un second souffle au récit et relance la machine qui s’essouffle ! Mais si j’apprécie toujours autant le film pour les idées qu’il véhicule (l’altruisme, la tolérance et la solidarité pour ne citer qu’eux), j’ai eu le sentiment que les scénaristes se répétaient et n’apportaient pas grand chose à l’édifice de leur franchise, si ce n’est qu’il faille montrer encore plus d’ampleur, d’émotion, d’effets visuels et de super pouvoirs à l’écran pour finir en beauté.
Il faut préciser que j’avais aussi beaucoup d’attente vis à vis de ce X-men en sachant que Bryan Singer allait reprendre les manettes à la réalisation. D’où ma grande déception en découvrant un film assez bien foutu, certes, dans son ensemble mais clairement pas aussi génial et maîtrisé comme je me l’étais imaginé avant d’entrer dans la salle !
La seule idée scénaristique qui m’ait vraiment plu, c’est le lien entre Xavier et Wolverine. On se souvient que ce dernier n’a jamais adhéré à l’idée de faire partie de la communauté des X-men et qu’il lui a fallu beaucoup de temps pour accepter de faire partie de l’équipe. Xavier, qui a perdu tout espoir, se retrouve aujourd’hui dans le même état que Wolverine à ces débuts et le rapport entre mentor et disciple se retrouvent inversé. C’est donc l’occasion pour Wolverine de lui redonner espoir comme Xavier l’avait fait pour lui à une lointaine époque.
Mais la grande question que je me pose c’est comment se fait ce qu’un X-men aussi doué et puissant que Quicksilver ne soit pas plus exploité que cela (1) ? C’est quand même lui qui aide l’équipe de Xavier et Wolverine à sortir Erik/Magneto de sa prison souterraine, assez facilement d’ailleurs, et jamais ils ne le convainquent de rester avec eux. La potentialité du personnage est juste énorme et il retourne chez lui comme si de rien n’était (on parle quand même de l’extinction de l’humanité et des X-men là !).
Il aura tout de même le mérite d’offrir la séquence la plus réussit du film quand, à leur sortie de la prison du Pentagone, le spectateur se glisse dans la temporalité de Quicksilver en voyant tout ce qu’il exécute : les millièmes de secondes se transforment en seconde et on assiste avec beaucoup de jubilation à ce sauvetage réalisé par un simple adolescent insouciant et narcissique dans la fleur de l’âge.
Sinon, Jennifer Lawrence assure toujours autant, les acteurs sont globalement bons et les effets spéciaux sont vraiment bluffants. A part ça, rien de vraiment transcendant. X-men : days of the future past reste un spectacle digne dans le fond, ce que la franchise à toujours été, mais je ne garderais pas en mémoire cet ultime opus qui préfère nous en mettre d’abord plein la vue avec les images de synthèse là ou les premiers trouvaient un juste équilibre entre psychologie des personnages et spectacle intimiste … et comme la boucle est bouclée, m’en vais revoir le premier !
(1) Quicksilver (ou Vif-Argent) possède originellement le pouvoir de se déplacer et se mouvoir à une vitesse démesurée et peut atteindre la vitesse du son.
Origine : Britannique – Genre : Thriller (01h35min) – Date de sortie : 08/05/2013
Avec : James McAvoy, Vincent Cassel, Rosario Dawson
Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
Résumé : Commissaire-priseur expert dans les œuvres d’art, Simon se fait le complice du gang de Franck pour voler un tableau d’une valeur de plusieurs millions de dollars. Dans le feu de l’action, Simon reçoit un violent coup sur la tête. À son réveil, il n’a plus aucun souvenir de l’endroit où il a caché le tableau. Ni les menaces ni la torture ne lui feront retrouver la mémoire. Franck engage alors une spécialiste de l’hypnose pour tenter de découvrir la réponse dans les méandres de l’esprit de Simon…
Fidèle à lui même, Danny Boyle continue humblement son petit bonhomme de chemin en surprenant à chaque métrage, et ce, depuis le début de sa carrière. Après un film culte trash et tragi-comique sur la jeunesse écossaise marginale (Transpotting – 1996), et surtout après avoir redynamisé le film d’horreur (28 jours plus tard – 2002) et de science fiction (Sunshine – 2007), il empile en 2008 avec un étonnant Slumdog Millionnaire, une comédie dramatique populaire d’excellente facture plus attendrissante et exaltante que réellement géniale, remportant un vif succès aux quatre coins de la planète et de nombreux prix aux Oscars.
Puis, avec 127 Heures, voilà qu’il nous plonge dans une étonnante biographie, celle de l’alpiniste Aron Ralston qui se retrouva coincé dans un canyon, les gorges de l’Utah plus précisément, par accident. Entre le huis clos, le film d’aventure et la fable métaphysique, on pourrait presque affirmer qu’il s’agit là de son plus grand film tant la richesse thématique du film renvoi à des interrogations fondamentales sur le sens de la vie, la communication entre les êtres ou encore le besoin de liberté qui nous anime … jusqu’à en payer les terribles conséquences.
A ce titre, je trouve 127 Heures beaucoup plus subtil et profond que son faux-jumeaux Into the wild sortit trois ans plus tôt, qui lui, sur un sujet similaire, centrait son récit davantage sur l’empathie et le pathos, se reposant essentiellement sur une mise en scène expressive, gratuitement contemplative (bande son folklorique et lyrique accompagnant comme il se doit de beaux paysages américains) dont le final tragique sert davantage l’émotion et la mythologie américaine et ses valeurs : le retour impossible à la nature et l’importance, la nécessité de vivre avec les autres en société.
Mais revenons au sujet principal, la critique de Trance ….. mais que dire de ce film en fait ? A bien y penser, je me demande ce qui a pu intéresser Danny Boyle dans ce projet mi-labyrinthique mi-vertigineux, dont la narration n’est pas sans évoquer Inception de Christopher Nolan. Loin de moi l’idée de conspuer le dernier film du cinéaste, mais rarement il n’a atteint le fond du fond en accentuant toute sa mise en scène sur des effets cheaps et des sous-intrigues à n’en plus finir au point ou on se demande quand cela va-t-il se terminer.
Si l’incipit en voix off d’Arthur/McAvoy annonce clairement au spectateur qu’il va assister à un spectacle divertissant, fun et balisé de fausses pistes, le second degrés et la liberté de ton est bien le seul point positif qui nous accroche à l’intrigue complètement farfelue et cousue de fil blanc. Les nombreuses mise en abîmes – très présentes – avec la peinture et les vidéos, les effets miroirs des personnages sur les décors et quelques jeux sur les symétries semblent vouloir donner une cohérence à la thématique de Trance, soit un délitement du réel et du rationnel au profit d’un récit éclaté et labyrinthique aux nombreuses interprétations (difficile d’ailleurs de ne pas penser au cinéma de Nicolas Roeg qui c’est fait la spécialité de ce genre de déconstruction narrative). Mais elles ne créent aucune fascination, aucun vertige et aucune pertinence à l’esprit déjà évasif du spectateur.
Toute l’attraction du film consiste en un difficilement supportable montage sur-découpé qui sature à la fois la narration et l’envie de s’attacher un temps soit peu au dernier né d’un grand cinéaste. Il est particulièrement difficile de rester concentré devant ce florilège de revirements constants de situations qui nous en apprend toujours davantage sur les relations de chacun (surtout le triangle McAvoy / Dawson/ Cassel), espérant ainsi garder en éveil le spectateur. Tout le monde semble jouer un jeu, on ne sais pas qui manipule qui, et on est impatient d’attendre le dernier actecar ….. on s’ennuie très vite.
Presque 20 ans après Usual Suspect, Danny Boyle orchestre un nanar de luxe invraisemblable ou tout est axé sur un symbolisme puéril (répétition de la couleur rouge) et basique et une réalisation ultra clipesque qui empêchent toute immersion et enlève non seulement toute crédibilité à l’histoire, mais ne parvient pas non plus à nous subjuguer quand tombe enfin le final ….. tant attendu.
L’assemblage de tous les éléments autour de cette scène révélatrice ne suscite aucun émoi, aucune surprise, on se dit même inconsciemment qu’on aurait préféré dormir plutôt que d’assister à cette conclusion risible et aberrante. Bref, l’hypnose de Trance ne fonctionne jamais, car le spectateur reste malheureusement très et trop conscient de la mécanique lourde et mal huilé du récit qui peine à convaincre par sa lourdeur démonstrative.
A négliger à ce point l’aspect mental et onirique, Trance ressemble davantage à un gros délire récréatif qu’a une volonté du cinéaste d’inscrire son film dans la catégorie des plus belles oeuvres sur le sujet. Si on retrouve une imagerie et une unité autour des figures d’Eros et Thanatos, racines de nos pulsions inconscientes, seule l’envoûtante et plantureuse Rosario Dawson a suscité en moi un réel et fantasmatique plaisir de cinéma !
Britannique – Romance, drame, (02h08min) – Date de sortie : 05/12/2012 – Titre Original : WUTHERING HEIGHTS
Avec : Kaya Scodelario, James Howson, Solomon Glave
Résumé : Angleterre – XIXème siècle. Heathcliff, un enfant vagabond, est recueilli par M. Earnshaw qui vit seul avec ses deux enfants, Hindley et Cathy, dans une ferme isolée. Heathcliff est bientôt confronté aux violences de Hindley, jaloux de l’attention de son père pour cet étranger. Le jeune garçon devient le protégé de Cathy. A la mort de M. Earnshaw, Cathy est courtisée par le fils de riches voisins, laissant peu à peu Heathcliff à la merci de Hindley. A l’annonce du prochain mariage de Cathy, Heathcliff s’enfuit. L’attachement fraternel qu’il vouait à Cathy se transforme alors en un amour obsessionnel.
Si le film insiste un peu trop lourdement sur les éléments de la nature, dans un format qu’on a plus l’habitude de voir (en 1.33, format magnifiquement utilisé par le chef opérateur Robbie Ryan qui travaille avec la réalisatrice depuis son premier film en 2006), c’est justement pour se rapprocher au plus près de « l’animalité humaine » dans ce qu’elle a de plus beau et de plus pur. En effet, l’amour des deux amants est la seule chose qui les font survivre face à la dureté de leur milieu social, comme si l’amour véritable ne pouvait s’obtenir que loin du foyer et de la famille.
Arnold filme leur environnement au premier degrés caméra à l’épaule, sans musique (parti pris que j’adore), et là ou Terrence Malick utilise une belle photographie, une voix off suggestive et de la belle musique pour sonder l’âme humaine, la cinéaste aborde les mêmes thématiques sans aucun artifice, avec simplement l’image pure comme unique vecteur, nous incitant à penser que l’âme et le corps ne font qu’un, en témoigne ses nombreuses scènes où ils se retrouvent tous les deux au coeur de la nature, n’ayant aucune honte à s’étreindre dans la boue.
J’ai même l’impression que la cinéaste insiste sur le fait que notre amour, notre passion, notre humanité se trouve dans notre nature profonde et que la culture et la civilisation, incarnées ici par les bourgeois et leurs valeurs, étouffent et refoulent nos sentiments, nos émotions. C’est en tout cas ce que j’ai ressentit dans sa démarche artistique ou tout passe par la force de l’image. D’ailleurs, dans la première partie, les deux amoureux se regardent, s’observent sans se parler, le langage s’installera entre les deux surtout dans la deuxième partie.
Quand celle-ci débute, on regrettera que le personnage de Caty joué par l’actrice Kaya Scodelario n’ait pas du tout les même expressions, le même charisme de la jeune Caty(Shannon Beer) des années plus tôt. Ce détail de casting dessert l’empathie qu’on éprouve pour les deux amants mais n’enlève pas pour autant la puissance dramatique du récit.