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UK, France, Suède – Drame, thriller, mystère – Date de sortie : 24/09/2014 – Durée : 01h32
Avec : Nicole Kidman, Colin Firth, Mark Strong
Résumé : Suite à un accident quatorze ans plus tôt, Christine est affectée d’un cas très rare d’amnésie : chaque matin, elle se réveille sans se souvenir de rien, ni même de son identité. Son dernier espoir réside dans son médecin, Ed Nasch, qui lui conseille de tenir un journal vidéo. Elle pourra ainsi enregistrer les informations qu’elle traque et se souvenir peu à peu de son passé, reconstituant progressivement le fil de son existence. Mais très vite, ses rares certitudes vont voler en éclat.
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AVANT D’ALLER DORMIR – Le grand sommeil !
Pur produit du post-modernisme, Avant d’aller dormir puise autant dans Blow up de Michelangelo Antonioni, Memento de Christopher Nolan mais également dans Amour et amnésie de Peter Segal avec cette histoire de femme amnésique qui revit sans arrêt le même jour sans se souvenir du précédent. Mais si Christine Lucas emprunte le même profil psychologique que Lucy Whitmore, le cinéaste Rowan Joffe exploite la partie sombre de ce symptôme en dirigeant une Nicole Kidman impeccablement habité par son personnage en orchestrant, malheureusement, un thriller assez maladroit porté par un scénario bancal qui préfère l’enchaînement des twists et des révélations à l’exploration de la psyché de ses personnages.
Dans sa construction, le récit dévoile ses cartes une à une en faisant habilement semer le doute au spectateur sur la véracité des événements contés par le mari, unique repère de Christine dans la maison ou elle vit. On se pose les mêmes questions qu’elle sur les versions et les images qui nous sont montrées et on se demande constamment où peut bien être le mensonge et où se trouve la vérité. Au fil de ses découvertes, on doutera comme elle de son entourage en ne se fiant qu’à moitié des témoignages de son mari et de son docteur, seuls liens qu’elle a avec le monde réel et son quotidien. L’image photographique et la vidéo enregistrée feront resurgir un à un ses souvenirs enfouis dans son inconscient et l’aideront alors à comprendre qu’on la manipule pour des raisons qu’elle ignore en partie.
Seulement, Avant d’aller dormir est beaucoup plus passionnant dans ses thématiques et le sujet qu’il aborde (l’amnésie et le trouble mentale du protagoniste) que dans son histoire. Ainsi, toute la psychologie des personnages passe à la trappe et les grosses ficelles scénaristiques convergent, dans la dernière partie, vers un happy-end lacrymal et consensuel qui annihile le peu d’intérêt et de sympathie qu’on aurait pu avoir pour ce thriller qui avait pourtant de quoi captiver sur le papier. Car le personnage de Ben Lucas, qui souffre d’un trouble tout aussi intéressant que celui de Christine, aurait mérité lui aussi un bien meilleur traitement et une place encore plus importante au sein de l’intrigue.
Si Rowan Joffe s’était appliqué à développer un sous-texte et s’il était porté par une réelle ‘vision’ avec ce projet, il aurait pu illustrer une profonde réflexion sur la jalousie, la violence et la domination masculine, en utilisant à meilleur escient les ressorts dramatiques, même si Colin Firth campe un parfait mari aimant et énigmatique. Le cinéaste, soucieux de plaire au plus grand nombre, fait de l’ultime révélation le clou du spectacle qui n’étonne plus tellement quand tombe enfin la vérité.
Et ce final, qui se devine donc aisément, résout sans grande finesse le mystère entretenue jusque là en plus de ne produire aucun effet sur le cinéphile qui s’est gavé de thriller tel qu’Usual Suspect ou autres oeuvres comme celles citées plus haut. J’ai vraiment été déçu par la dernière scène qui se vautre dans un pathos indigeste et qui énerve encore plus quand on perçoit le véritable potentiel du film !
Si la séance est déjà loin derrière moi, je ne garderais en mémoire que la tenue visuelle particulièrement bien soignée qui instaure une ambiance tendu et claustrophobique en phase avec l’état psychologique du protagoniste. Au delà de ça, Avant d’aller dormir fatigue assez vite par son manque d’idée, son absence d’originalité et son incapacité à exploiter un matériau de base pourtant foisonnant qui ne demandait qu’à s’épanouir à travers le regard d’un auteur plus inspiré. Paresseux, Rowan Joffe prouve, avec ce thriller soporifique, qu’il n’était pas bien réveillé et encore moins ‘éveillé’ pour mener à bien cette production …
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
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