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Danemark, UK, Afrique du Sud – Western, drame – Date de sortie : 27/08/2014 – Durée : 01h29
Avec : Mads Mikkelsen, Eva Green, Jeffrey Dean Morgan
Résumé : Dans les année 1870 dans l’Ouest américain, John, un colon danois accueille sa femme et son fils venus du Danemark. Dans la diligence qui les amène à leur maison, ils sont attaqués par les deux autres passagers qui éjectent John puis tuent la femme et l’enfant. Plus tard, John abat les deux hommes dont un est le frère du chef de gang Delarue. Delarue veut alors la mort de John qui se retrouve isolé avec seulement son frère Peter pour l’aider. Les deux frères sont bientôt capturés par les habitants de la ville qui sont complètement soumis à Delarue.
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THE SALVATION – Le bon, la muette et le truand
The Salvation, réalisé par le danois Kristian Levring qui, avec Lars von Trier, Thomas Vinterberg et Soren Kragh-Jacobsen ont créé le manifeste cinématographique Dogme 95 (1), étonne dans ses intentions de se reposer uniquement sur quelques partis pris formels qui ne suffisent absolument pas à masquer la vacuité de l’entreprise.
Plutôt cohérent et modeste dans ses enjeux dramatiques, ce revenge-movie sauce spaghetti beaucoup trop référencé m’a laissé sur le quai de la gare après une sympathique et prometteuse introduction. On nous présente le personnage principal et sa famille dans une diligence ou siègent avec eux deux scélérats plutôt mal intentionnés : ce premier acte crée un malaise glaçant et électrique ou la violence peut surgir pour un mot mal placé, le père de famille essayant tant bien que mal de maîtriser la situation.
J’attendais d’un tel cinéaste qu’il détourne, démonte ou s’approprie les codes d’un genre maint fois abordé, mais le cinéaste et son chef opérateur Jens Schlosser tenteront surtout de sublimer le western avec une imagerie spectrale et saturée, injectant dans leurs plans les thématiques des pères fondateurs : Peckinpah et Eastwood pour le rapport aux armes et à la violence, mais aussi John Ford dans sa description de l’Amérique habitée par ses démons intérieurs en pointant du doigt les dérives du capitalisme et les laissés-pour-compte.
Visuellement, leur travail sur la lumière dans les scènes nocturnes rappellent tout un pan de l’école picturale néerlandaise : des clairs-obscurs saisissants parviennent par moment à instaurer une atmosphère irréelle et baroque mais malheureusement, l’expressionnisme synthétique et artificielle déployé dans ses cadrages précis mais académiques déconcerte et rebute plus qu’elle ne fascine. La faute en revient également à une iconographie présomptueuse et à une intrigue extrêmement plate qui ne passionne guère.
Si la narration va à l’essentiel, tout s’enchaîne d’une manière un peu trop mécanique et laisse finalement assez peu de place à l’émotion. De plus, aucune séquence n’attire vraiment l’attention, le scénario se contentant de défiler les scènes les unes à la suite des autres sans jamais parvenir à créer une réelle tension le temps d’une scène de fusillade, qui sont pourtant, en soit, assez nombreuses. Seule une scène d’évasion m’a fait frémir le temps d’une minute !
Si le montage tranchant, les ellipses butales et la tonalité froide sont le coeur même de ce western sombre, violent et crépusculaire, The salvation loupe surtout la réunion de deux grandes icônes du cinéma contemporain. J’en veux sincèrement au cinéaste de filmer de la sorte le minéral et impassible Madds Mikkelsen et la sculpturale et sensuelle Eva Green pour, au final, ne s’intéresser qu’à sa mise en scène – qui, esthétiquement, est loin d’être inintéressante – mais sans jamais saisir les expressions mutiques et profondes de ses acteurs. Quitte à dresser des tableaux picturaux et insolites ou les personnages ne sont pas l’attrait principal, autant choisir d’autres acteurs beaucoup moins charismatiques que ses deux monstres sacrés du septième art. Ce choix est à mes yeux complètement incompréhensible !
C’est sans doute ce qui m’a le plus dérangé dans ce film. Autant j’apprécie tout juste la démarche artistique de The Salvation même s’il n’apporte aucune pierre à l’édifice du western, car cédant beaucoup trop facilement à la citation (mais sans doute est-ce l’intention initiale du cinéaste ?) et à l’iconisation façon Sergio Leone (oui, lui aussi !), autant j’houspille contre la production qui s’est complètement fourvoyée en réunissant ce duo d’acteurs : leur jeu respectif ne peut jamais s’épanouir pleinement car la facture des images avalent en son sein leur charme troublant et leur aura magnétique.
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Ecrit et publié par Mathieu Breuillon
(1) – Le Dogme95 est un mouvement cinématographique lancé en 1995 par des réalisateurs danois sous l’impulsion de Lars von Trier et de Thomas Vinterberg.
BANDE ANNONCE :